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Abattage : en finir avec le mythe de l’étourdissement préalable

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Lors de la campagne d’affichage contre l’abattage rituel orchestrée par un collectif d’associations animalistes, à l’automne dernier, ces dernières ont une fois n’est pas coutume entretenu l’idée que seul l’abattage rituel, halal et casher, est source de souffrance animale. Si ces associations sont dans leur rôle quand elles s’emploient à soutenir et à défendre la cause animale, elles le sont moins lorsqu’elles instrumentalisent cette même cause et qu’elles stigmatisent des communautés, en l’occurrence juive et musulmane.

Stigmatiser l’abattage rituel, oublier l’abattage non rituel

Que Brigitte Bardot, tête de pont de ce collectif d’associations, adopte des positions extrêmes quant au statut de l’animal, soit. La Fondation Bardot, comme l’association 30 millions d’amis ou la PMAF – l’OABA, autre organisation du collectif, est quand à elle relativement pondérée dans ses prises de position –, sont héritières d’une longue tradition philosophique qui honnit la viande et considère que l’animal est un être humain comme un autre. Avant d’être militante, leur posture à l’égard des animaux et de ceux qui les mettent à mort est profondément dogmatique. Leur combat, idéologique.

En revanche, que Mme Bardot et consorts jettent à la vindicte populaire les partisans de l’abattage rituel – essentiellement les musulmans – sous le seul prétexte que ce mode de mise à mort serait, de leur point de vue, cruel, barbare, etc., tout en laissant croire qu’a contrario l’abattage non rituel, celui pratiqué notamment avec étourdissement, est indolore pour la bête est inacceptable. Inacceptable, car faux, pour ne pas dire mensonger.

Toute mise à mort est violente

Toutes les formes de mises à mort sont par nature violentes ; elles le sont d’autant plus quand elles sont pratiquées dans un contexte industriel où le rendement fait généralement fi du bien-être animal. Il faut le répéter, le problème – quand il y a un problème – de l’abattage rituel dans l’industrie agro-alimentaire ne vient pas de son caractère rituel, mais du contexte industriel. C’est bien moins l’acte d’égorgement que les cadences infernales imposées par l’industrie de la viande, le souci aveugle de rentabilité, la mauvaise formation des tueurs, le mépris de l’animal que l’on chosifie à l’extrême, etc., qui font souffrir les bêtes. Si tuer un animal ne se fait jamais sans douleur, le tuer par égorgement sans étourdissement n’est pas nécessairement plus douloureux, si tant est que l’on procède avec soin.

Or, l’industrialisation de l’abattage rituel et les exigences de rentabilité amènent les abattoirs à négliger le bien-être des animaux. Dans un rapport scientifique remis à un organisme public belge, s’il est recommandé d’imposer l’étourdissement même dans le cadre de l’abattage rituel, c’est parce qu’il a été constaté que dans les abattoirs audités, les conditions ne sont pas remplies pour permettre à l’animal de partir avec le moins de souffrances possibles. Mieux, ce rapport précise noir sur blanc que « dans des conditions optimales, un abattage sans étourdissement entraîne une perte de conscience rapide de l’animal (et donc un minimum de peur et de douleur ressenties). » Et d’ajouter aussitôt que « la situation actuelle en cas d’abattage rituel sans étourdissement est inacceptable » (source : Aspects de bien-être lors de l’abattage de bovins et d’ovins – 2007-2008). Là encore, l’abattage rituel en soi n’est pas en cause, mais l’incurie des professionnels.

« L’abattage par égorgement est le moins douloureux »

D’aucuns considèrent d’ailleurs que l’abattage rituel, plus précisément sans étourdissement, est préférable à l’abattage avec étourdissement, à l’instar du professeur Joe Regenstein, qui précise que l’on ne peut affirmer que l’abattage rituel est plus cruel que l’abattage non rituel ; allant jusqu’à affirmer qu’il croit « personnellement qu’à l’avenir la méthode d’abattage la plus humaine pourrait être la méthode religieuse« . Citons encore, plus récemment, Yves-Marie Le Bourdonnec, le « boucher des stars », qui à l’occasion de la sortie de son ouvrage l’Effet boeuf, a multiplié les interviews dans lesquelles il soutient mordicus qu’il faut généraliser l’abattage sans étourdissement. Voici par exemple ce que cet expert affirme :

 » Avec l’éleveur avec qui je travaille, on s’est posé la question de savoir quel abattage choisir. Il n’est pas question que la bête soit stressée, sinon ce sont des semaines d’un élevage de luxe qui sont gâchées en quelques secondes. On a donc fait appel à un sophrologue animalier, pour avoir son avis. Cet homme a garanti à mon éleveur que l’abattage par égorgement est le moins douloureux. »

Source : Rue89 – Viande halal : le boucher des stars défend l’égorgement

Mêmes propos dans l’émission de radio Des clics et des claques sur Europe 1, mardi 21 février, où il était invité (écouter : Des clics et des claques – 21/02/12 ou encore sur le plateau du Grand Journal sur Canal+, le 21 février dernier également. Connu et reconnu pour son expertise et son travail, Yves-Marie Le Bourdonnec n’a jusque-là pas été contredit. Et la presse continue malgré tout à offrir une large audience à celle qui n’a toujours pas expliqué son programme présidentiel aux Français.

Etourdissement préalable : d’abord une technique de mise à mort

Mais revenons-en à l’étourdissement, du reste dénoncé par l’expert Y.-M. Le Bourdonnec, et aux animalistes, caution opportune du Front national dans sa diatribe anti-halal. Étourdir un bœuf, répétons-le, c’est lui fracasser le crâne en lui tirant une balle en plein front. Ça n’est jamais lui chanter une berceuse après l’avoir bordé dans un lit douillet. Voici ce avec quoi on tire la balle qui étourdit le bœuf.

Etourdir un boeuf, c’est évidemment l’abattre et non l’endormir ou l’anesthésier. L’étourdissement préalable, malgré toutes les circonvolutions sémantiques qui visent à en cacher la réalité, est une technique de mise à mort qui ne dit pas son nom ; une technique de mise à mort, qui plus est, qui n’est en rien la panacée. Comme chacun le constatera dans les vidéos suivantes, un animal étourdi avant d’être saigné souffre. Il arrive même qu’il souffre plus qu’il ne devrait : mal étourdi, il est parfois dépecé et découpé vivant. Quid de l’horreur, de la barbarie, de l’inhumanité dont on accable l’abattage rituel tout en taisant, voire travestissant, la réalité de l’abattage avec étourdissement ? S’il ne s’agit pas encore une fois de verser dans une opposition stérile entre les méchants et les gentils, il est important que le grand public sache de quoi il retourne. Libre ensuite à chacun de se faire sa propre opinion et de prendre position en toute connaissance de cause.

Pour finir, voici quelques vidéos trouvées sur Youtube. On y voit des bêtes abattues avec étourdissement préalable. Ces vidéos disent le quotidien le plus banal des abattoirs ici et ailleurs. Ce que l’on y voit n’est en rien un exception, mais la règle. Et la règle, c’est parfois des bœufs ou des moutons dépecés vivants plusieurs minutes après avoir été étourdis. Non, l’étourdissement n’est pas la panacée. Âmes sensibles s’abstenir.

Alors ? l’étourdissement préalable est toujours la solution miracle face à un mode d’étourdissement barbare ou finalement la question de l’abattage industriel est plus compliquée que la soupe démagogique servie ces derniers jours par le Front national ?

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15 Commentaires

  1. Assalamou ‘alaykoum,

    BarakAllahou Fik pour cet article qui est très complet et une très bonne chose de l’avoir mis après l’article précédent ; cela permettra aux personnes de bonne foi (ils sont malheureusement peu dans le milieu) de voir la différence entre LE VRAI abatage rituel et l’abattage sois disant sympa…

    Wassalam

  2. Salam,

    Barak’Allahoufik Al Kanz pour cet article.

    Qu’en est t’il du fameux danger de contamination de la viande par l’E. Coli lors de l’abbatage rituel ?
    C’est ce qui fait peur aux non musulmans, le danger sanitaire, et là, quand je discute avec eux, je suis à cours d’argument, de l’aide SVP.

  3. Assalamou’alaykoum,

    Je ne suis pas vétérinaire, ceci dit :
    @Hassan
    Certes dans le Coran, il n’est pas fait mention de l’interdiction de l’étourdissement, mais il est fait mention de l’interdiction du SANG ; donc, si vous êtes vétérinaires, vous savez que l’étourdissement correspond sois-disant à une sorte d’anesthésie (l’article démontre le contraire). L’anesthésie ou l’étourdissement entraîne un relâchement musculaire général. S’il y a un relâchement musculaire lors de l’abattage, le sang ne peut s’évacuer au maximum car les réactions de contractions musculaires ne sont pas importantes, ce qui empêche en même temps une vasoconstriction maximale. Aussi, il y a beaucoup d’études internationales qui démontrent que les animaux souffrent moins avec un abatage rituel de bonne qualité.
    @alourtilani
    Je ne sais pas si ça va t’aider : si les précautions sont bien prise il n’y a pas de risque. De toute façon, le risque zéro n’existe pas (mais nous natawakal 3ala Allah). Cette contamination peut aussi se faire, par d’autres moyens indépendemment de l’abattage rituel (les steaks lidl contaminés il y a quelques mois n’étaient pas halal)

    Wa Allahou a3lem

    Wassalam

  4. Salam,

    Très intéressant mais j’ai cependant une question… Nous sommes bien d’accord que l’abattage sans étourdissement ne veut pas dire HALAL ??? Ce qui m’exaspère c’est d’entendre tous les jours cette assimilation… Abattage Halal c’est un peu plus que juste le « sans étourdissement » non ? Pourquoi est ce que personne ne prend la parole là dessus ? Ou peut être que cela a déjà été fait mais pas assez fort… 🙁

  5. Assalamou’alaykoum mes frères,
    pour l’équité du débat, il faudrait mettre des vidéos de bêtes égorgées pour pouvoir comparer. Sur youtube je ne trouve que des horreurs, auriez vous des vidéos de bêtes égorgées où cela se passe bien ? pour prouver que c’est mieux que l’étourdissement, merci.
    quelqu’un m’a envoyé des exemples d’égorgements : http://www.youtube.com/watch?v=h_bZzxep87c
    sur quoi se base t-on pour savoir si la bête souffre ou non?

    merci pour vos lumières.

  6. as-salâmu ‘alaykum

    L’équité du débat ? Dans ce cas, il faudrait d’abord diffuser ces vidéos sur les milliers de supports où l’on défonce l’abattage rituel. Après en effet, il y aurait comme pour la présidentielle une égalité de temps de parole.

    Ensuite, mieux ou pas, à la rigueur, on s’en moque. L’important, c’est que l’on cesse toute cette démagogie et cette intox sur l’abattage rituel.

  7. oui mais la volonté de Dieu est que la bête souffre le moins possible. N’est-il pas légitime de s’interroger entre musulmans (je ne parle pas de débat avec les non musulmans, nous sommes sans cesse stigmatisés…) pour savoir quelle méthode est la meilleure à notre époque ? à la vue des vidéos (avec et sans étourdissement), il est très difficile de dire quelle est la meilleure méthode. L’une ou l’autre peut être meilleure selon les cas et vice versa. Peut-être faut-il faire des statistiques. J’ai lu que l’imam de la mosquée de Paris réfléchit sur une méthode qui combine les deux : égorgement puis étourdissement. Est-ce possible de faire cela dans le respect de nos textes?

    Merci.

  8. Je recommande l’excellent livre de Al-Hafiz Basheer Ahmad Masri « les animaux en Islam »..devenu le premier musulman sunnite à être nommé Imam d’une mosquée en Angletere…Iman devenu végétarien, cela mérite d’être précisé !.
    Vous dites que les méthodes d’abattage classiques sont violentes, mais c’est parce que l’industrialisation de l’abattage a rendu les cadences infernales et donc cruelles pour les animaux et ingérables pour les humains qui y travaillent. C’est bien contre cela qu’il faut lutter.
    Pour en revenir à l’abattage rituel, voici des exemples que cite justement l’auteur car les pratiques sans étourdissement par certains sont loin d’être exemplaires quant à l’évitement de la souffrance pour les animaux (moutons) ; exemples cités en substance : couteaux mal aiguisés, incision de la gorge jusqu’à sept fois d’avant en arrière, sorte de « sciage » !!!

  9. L’agonie d’un boeuf abattu sans étourdissement préalable peut être très longue : plus de 10 minutes.
    Pourquoi ? Il y a une explication scientifique assez compréhensible, on se demande comment les « experts » belges ont pu faire l’impasse là-dessus …
    Lors de la section des carotides celles-ci sont sectionnées et sous l’effet du stress et de la production d’adrénaline, elles peuvent se rétracter et réduire la fuite de sang et donc retarder la perte de conscience de l’animal.
    Chez les bovins il existe une artère vertébrale qui peut prendre le relais, après la section des carotides, et continuer à alimenter le cerveau en sang.
    Voilà les raisons qui font que l’agonie d’un bovin égorgé à vif peut être très longue, il arrive même qu’un veau égorgé se relève et qu’il soit nécessaire, à nouveau de l’égorger.
    Avec un pistolet pneumatique qui envoie une pointe dans le cerveau, la perte de conscience est instantanée … que faut-il dire de plus …

    • Bonjour,
      je respecte la foi de tous, mon seul intérêt est la souffrance animale. Et Hassan, même athée je juge que le débat peut être ouvert entre nous, à partir du moment où il y a du respect réciproque.
      Je tiens juste à apporter une précision: un animal étourdit, même mal, ne peut pas être dépecé vivant par la suite car l’étourdissement n’est qu’un préalable à la saignée.
      Et là où une étude scientifique dit que l’abattage sans étourdissement est moins douloureux, 10 déclarent le contraire.
      Ce qui est vraiment navrant c’est que les industriels se servent de l’abattage rituel pour réaliser des économies. Il serait important, dans le respect de tous, de relancer le débat, de réfléchir au mieux et de proposer au moins un étiquetage obligatoire.

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