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Bousculade mortelle à La Mecque : vivre malgré le traumatisme

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L’année dernière, le pèlerinage sur les lieux saints de l’islam a été un véritable traumatisme pour de nombreuses personnes. Une bousculade survenue jeudi 24 septembre 2015 a causé selon le bilan officiel la mort de 2 097 pèlerins, venus de 34 pays différents.
Le drame a fait d’autres victimes parmi les survivants, qui n’en sont pas sorti toujours indemnes. Ce qu’ils ont vécu a provoqué chez eux de profondes séquelles psychologiques.

Mme R., rescapée de la bousculade

Mme R., 50 ans, consulte à mon cabinet suite à cet évènement. Rentrée depuis un mois, elle ne se remet toujours pas des horreurs qu’elle a vues. C’était la première fois qu’elle allait au hajj. Sur place, elle avait toujours peur de se perdre. Elle était très attentive au groupe et se souciait d’être toujours près du guide.

Lors de la lapidation des stèles, elle dut se faufiler entre les pèlerins présents pour pouvoir accomplir ce rite. Au moment de rejoindre le groupe, elle ne voit plus personne, se sent perdue, panique et pleure. Elle invoque Dieu de l’aider à trouver sa direction : « J’étais perdue, je ne savais plus où aller, je me demandais comment j’allais pouvoir retrouver ma tente au milieu de ces centaines de chemins autour de moi », me confie-t-elle.

Mme R. décide de s’engager seule à l’aveugle. C’est le début d’un périple incroyable. Elle marche jusqu’à en perdre la notion du temps, son corps se déshydrate. Elle vide sans s’en rendre compte sa gourde d’une contenance de deux litres et oublie de la remplir de nouveau. Elle continue de se déshydrater fortement quand elle s’approche du tunnel pour rejoindre les campements. Ses jambes ne soutiennent plus son corps, personne ne fait attention à elle. Stupéfaite, totalement ahurie par cette foule qui avance, avance et avance encore, elle ne sait pas où elle va.

Syndrome dépressif post-traumatique

Alors qu’elle me livre ce récit, ses larmes coulent. Mme R. suffoque. C’est clair : elle souffre d’un « syndrome dépressif post-traumatique » (PTSD). Je l’écoute attentivement. J’imagine aisément la scène tant la description est minutieuse. Mme R. se souvient du moindre détail comme si c’était son dernier instant de vie : « Je ne tiens plus sur mes jambes, je me dis que c’est fini, je m’adosse alors à un muret et me laisse tomber. Je n’ai plus le choix, j’accepte mon destin, ma fin, je récite la shahada (profession de foi) et je me sens extrêmement sereine, prête à quitter cette vie et à rencontrer mon Seigneur. »

Je n’ai plus le choix, j’accepte mon destin, ma fin, je récite la shahada.

Ce moment lui rappela ce que dit Dieu dans le Coran au verset 19 de la sourate 82, Al-Infitar : « Le jour où aucune âme ne pourra rien en faveur d’une autre âme. Et ce jour-là, le commandement sera à Allah ». (traduction du sens).

Son récit est émouvant et captivant, je me retrouve transportée, comme elle, oubliant l’espace-temps de la séance thérapeutique. Elle poursuit : « Un temps plus tard, je ne sais pas combien, peut-être une seconde, peut-être une heure, peut-être deux… je me retrouve au dessus du pont qui surplombe le tunnel et là j’observe l’horreur des gens qui sont bousculés, paniqués, qui crient, qui sont piétinés, écrasés… »

Pendant sa chute, elle se souvient avoir entendu des soldats, en nombre, répéter plusieurs fois en arabe « fermez la porte du tunnel ». Elle s’est alors assoupie.

Lors de son passage sur le pont, elle pensait être dans l’Au-delà. Elle crut alors qu’il s’agissait du jour du Jugement. Elle se pensait sur le pont du Sirat, ce pont au-dessus de l’Enfer que chacun devra tenter de traverser, ultime épreuve vers le Paradis. Ce fut terrible. Le choc. Mme R. pleura beaucoup. L’incompréhension, la confusion, l’émotion, tout se mêlait alors en elle. Finalement, elle finira par retrouver son chemin et sa tente.

Comprendre le drame

Cette douloureuse expérience a généré une effraction (ou perturbation) psychique notable chez Mme R., qui n’arrive pas à lui donner du sens et ne peut plus vivre comme avant. Elle a besoin d’aide. Une thérapie est indiquée dans ce cas de figure. Mme R. doit pouvoir comprendre, accepter et déposer dans un endroit de sa psyché cette expérience avec tout ce qu’elle comporte de charge émotionnelle.

Il conviendra de l’aider à retrouver sa sérénité initiale et à continuer à vivre normalement, c’est-à-dire sans cet envahissement constant, qui par moment la paralyse : elle explique, entre autres, comment au travail elle ne peut plus répondre immédiatement à une demande simple. Elle se sent comme tétanisée et a constamment besoin d’un temps de réflexion avant d’exécuter des tâches même très basiques.

La question de l’effraction temporelle se pose aussi. Mme R. est perturbé au niveau des repères temporaux. Mais comme pour chaque thérapie, il va falloir prendre le temps…

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4 Commentaires

  1. Salam alikoum
    Article très intéressant, car le côté psychologique des comportements et des réactions de chacun face aux événements de la vie est trop peu « échanger » au sein de notre communauté
    Comme si une maladie mentale telle que celle décrite dans l’article par exemple était « à cacher » alors qu’il s’agit ni plus ni moins que d’une maladie comme j’en autre

  2. AlhamdouliLlah, Qu »Allah l’apaise. Nous qui sommes carrément à l’extérieur sommes encore tellement sous le choc en y repensant, alors l’avoir vécu c’est encore plus douloureux miskina. Qu’Allah fasse miséricorde à ceux qui y ont péri.

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