Islamophobie. Alors que le ministère de l’Intérieur fait état de 145 actes antimusulmans recensés au niveau national sur les cinq premiers mois de l’année, le Conseil départemental du culte musulman (CDCM) dresse un constat bien plus préoccupant, quelques semaines après la publication le 21 mai dernier du rapport controversé Frères musulmans et islamisme politique en France.
Selon une enquête menée par le CDCM du Loiret (45) du 4 au 14 juin 2025 dans 53 communes du département auprès de 1 074 répondants, 72 % des musulmans interrogés disent avoir été victimes d’actes islamophobes.
Les femmes voilées restent les premières victimes. « Insultes, regards hostiles ou discriminations », 59 % des « manifestations d’intolérance se produisent majoritairement dans l’espace public, mais aussi dans la rue, au travail ou à l’école.
Sans surprise, les données du ministère de l’Intérieur sont mises à mal par un autre chiffre de l’étude : « 77 % des faits ne sont pas signalés, par crainte de représailles ou en raison d’une méfiance envers les institutions ».
Seuls 8 % des répondants, par ailleurs, indiquent avoir procédé un signalement auprès des autorités compétentes. Ce « sous-signalement massif […] constitue un problème majeur dans la lutte contre cette forme de discrimination », conclue l’instance, qui pointe par ailleurs une « invisibilité statistique » de l’islamophobie.
L’enquête met le doigt sur une « inquiétude manifeste quant aux intentions du rapport gouvernemental » consacré aux Frères musulmans : 75,4 % des sondés le perçoivent « comme visant à stigmatiser les musulmans » et 15,8 % « considèrent qu’il s’agit d’une base pour des mesures politiques ».
Si 71 % n’accordent aucun crédit aux conclusions du rapport, 58,1 % expriment un sentiment d’injustice et 14,2 % de la colère. La quasi-totalité (88 %) redoute un accroissement des tensions sociales provoqué par sa publication et son instrumentalisation. Le CDCM évoque un impact « significatif » sur les projections individuelles : 25 % des personnes interrogées envisagent en effet de quitter la France et « près d’un quart vivent leur quotidien comme une lutte pour préserver leur dignité. »
« Ces chiffres dressent le portrait d’une discrimination banalisée et largement ignorée », dénonce le CDCM, qui appelle l’ensemble des institutions à « reconnaître officiellement la gravité de ces discriminations, à condamner sans ambiguïté les actes islamophobes et à mettre en place des campagnes de sensibilisation, en partenariat avec les collectivités et les établissements éducatifs. »