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De Poutine à Gaza : l’insupportable double standard occidental

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Ce que l’Occident reproche à Poutine, ce n’est ni d’être un dictateur ni de faire la guerre à un pays tiers, mais de la faire à un pays occidental.

Tchétchénie et Syrie : la complaisance occidentale

Les 4 et 9 septembre 1999, deux attentats frappent des immeubles d’habitations en plein Moscou, tuant 213 civils et suscitant une vive émotion à travers toute la Russie. Très vite, Vladimir Poutine accusera les « séparatistes tchétchènes », évoquera une « guerre terroriste ».

La présence d’agents du FSB (ex-KGB) sur les lieux de l’attentat avorté à Riazan, ville à 200 km au sud-est de la capitale, nourrira de forts soupçons de manipulation, sans pour autant entraver les desseins du président russe. Plusieurs enquêtes sur l’implication des services secrets n’y changeront rien : ces attentats serviront de prétexte pour déclencher la seconde guerre en Tchétchénie (1999-2009).

Indépendante depuis la première guerre, la petite république du Caucase subira une guerre particulièrement « brutale », selon les mots de Human Rights Watch. DGrozny, la capitale, sera très vite la cible de bombardements massifs et indiscriminés : immeubles officiels, quartiers résidentiels, hôpitaux ou encore marchés ciblés par des missiles en plein jour, l’armée russe transforme la ville en champ de ruines.

Ces pratiques, la Russie les exportera plus tard en Syrie à partir de 2015. D’Alep à Idleb, en passant par Deraa ou Homs, les populations civiles connaîtront le même sort qu’en Tchétchénie. Les soldats de Poutine, qu’ils appartiennent à l’armée régulière ou au groupe clandestin, multiplieront les crimes de guerre et les violations massives du droit humanitaire.

Soutenue par les militaires russes, l’aviation syrienne larguera des barils explosifs sur des zones densément habitées. Sièges meurtriers, armes non discriminantes, destruction systématique d’infrastructures civiles (écoles, hôpitaux, etc.), la Syrie subira la même politique de la terre brûlée qu’en Tchétchénie, sans réaction convaincante de l’Occident. Pire, en 2013, les Etats-Unis offriront un blanc-seing à l’homme fort de Moscou.

Cette année-là, si la Russie n’a pas encore déployé ses troupes pour soutenir directement Bachar El-Assad, là encore sous couvert de lutte contre le terrorisme, elle protège diplomatiquement le régime syrien, menacé un temps d’une intervention militaire des Etats-Unis et de leurs alliés, s’il devait franchir la fameuse « ligne rouge », brandie par Barack Obama en 2012.

Pourtant, le massacre au gaz sarin de la Ghouta, dans la banlieue de Damas, le 21 août 2013, consacrera l’impunité du dictateur syrien et, par la suite, celle des Russes en Syrie : les Etats-Unis ne mettront pas leur menace à exécution, mais concluront avec Moscou l’accord de Genève du 14 septembre 2013. L’usage d’armes chimiques ne cessera pourtant pas.

Vladimir Poutine se sait alors si fréquentable aux yeux de l’Occident que l’année d’après, il fera des jeux Olympiques de Sotchi un grand raout auquel la France, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l’ensemble des pays occidentaux assisteront. Si l’événement reste marqué par l’absence symboliques de dirigeants de premier plan, l’opération de communication sera une réussite.

On est alors encore loin du mandat d’arrêt contre le président russe, émis le 17 mars 2023 par la Cour pénale internationale (CPI). Cette décision fera dire à Josep Borrell, vice-président de la Commission européenne, qu’elle « n’est que le début du processus pour amener la Russie et son dirigeant à rendre des comptes pour les crimes et les atrocités qu’ils commettent »… en Ukraine.

L’Ukraine, révélateur du double standard

Si les multiples violations du droit international commises en Tchétchénie et en Syrie ont longtemps été tolérées, voire ignorées, par les capitales occidentales, la réaction des Etats-Unis et de l’Europe à l’invasion de l’Ukraine en février 2022 marque un tournant aussi net qu’inédit. Les méthodes russes n’ont pourtant pas changé. Appliquées aux Ukrainiens, elles ne sont soudainement plus acceptables et doivent être combattues.

L’Ukraine n’est ni la Tchétchénie ni la Syrie. Les opérations dites de « nettoyage » sont désormais intolérables aux yeux des Occidentaux. Exécution de civils, arrestations arbitraires, pillages systématiques, destruction d’habitats et d’infrastructures civils : les sinistres zatchistka de Bucha, de Borodianka ou d’Irpin, en 2022, suscitent une vive indignation, contrairement à celles de Grozny et d’innombrables villages tchétchènes.

Longtemps invité en grandes pompes sur la scène internationale (G8, partenariats énergétiques, sommet UE-Russie) pendant que ses troupes massacrent des civils d’abord en Tchétchénie et en Syrie, puis en Afrique (Centrafrique, Mali) avec le déploiement de la milice Wagner dès 2018, Vladimir Poutine devient persona non grata.

Le président russe « a choisi la voie de la violence et de la destruction », dira le Premier ministre britannique Boris Johnson. Dénonçant « l’attaque terroriste et barbare de Poutine », la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen précisera martèlera que les Européens « [travaillent] d’arrache-pied pour frapper la Russie là où cela fait mal, afin de réduire encore davantage sa capacité à faire la guerre à l’Ukraine ». Quant aux Etats-Unis, ils engageront « des sanctions sans précédent et étendues contre la Russie », afin de lui infliger des « coûts économiques rapides et sévères ».

La guerre russe contre l’Ukraine a mis à nu l’hypocrisie occidentale. Tant que Vladimir Poutine s’en prenait à des pays n’appartenant pas, peu ou prou, au « monde libre », Moscou restait fréquentable. Depuis qu’il applique ses méthodes brutales à un pays qui aurait per se toute sa place parmi les Occidentaux, il incarne le diable en personne.

Pourtant, « les atrocités commises en Ukraine ne sont que l’aboutissement d’une longue violence encouragée ou tolérée pendant des décennies » ; et qui continue de l’être ailleurs, en l’espèce contre les Palestiniens.

Le génocide en cours à Gaza est à cet égard un excellent discriminant pour mesurer combien ce suprémacisme bon teint est, comme le bon sens selon Descartes, la chose du monde la mieux partagée. Cette hiérarchisation des vies humaines, drapée pourtant dans un universalisme humaniste, s’expose sous une lumière crue dans les tweets de dirigeants occidentaux qui s’émeuvent, à raison, des morts ukrainiens pendant qu’Israël massacre de façon industrielle des civils palestiniens.

Le président Macron condamne des frappes russes en Ukraine, 13 avril 2025

Les chancelleries occidentales, appuyées par les médias mainstream, n’auront jamais mieux illustré qu’aujourd’hui ce que l’on pourrait qualifier d’« humanisme de Schrödinger » : intransigeance et sanctions contre Vladimir Poutine, soutien et complaisance envers Benjamin Netanyahu — deux dirigeants accusés de crimes de guerre et sous le coup de mandats d’arrêt émis par la Cour pénal internationale.

Double standard qui fait dire l’avocat au barreau de Paris Seydi Ba, commentant l’autorisation offerte par le gouvernement français au Premier israélien de survoler l’espace aérien français, que « le droit international n’est qu’une mascarade inventée par l’Occident pour justifier son impérialisme et défendre ses intérêts ».

Les êtres humains naîtraient libres et égaux en droit. En pratique, certains le sont manifestement plus que d’autres.

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1 COMMENTAIRE

  1. Cette période sombre aura permis au moins une chose : montrer quelles sont les véritables motivations et boussoles des uns et des autres…

    Avant la Syrie, il y a eu aussi l’Afghanistan d’ailleurs.

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