Entrepreneur dans le sud de la France, Y. B. a récemment déposé la marque « Free Gaza » à l’INPI, dans l’objectif d’exploiter commercialement le slogan emblématique de la cause palestinienne. Un choix qui au regard de ses prises de position publiques, alignées sur les récits les plus radicaux du camp pro-israélien, interroge. Décryptage.
Y. B. est commerçant dans le sud de la France. Amateur de soirées, il aime se rendre en Israël.

Sur sa page Facebook, on apprend qu’il a étudié dans un lycée privé, dont le « projet éducatif repose sur trois piliers : “le peuple d’Israël, la Torah d’Israël et la terre d’Israël” »..
Dans une autre publication, Y. B. relaie une vidéo affirmant que Yasser Arafat aurait reconnu que « le peuple palestinien est une invention ». Cette vidéo, largement diffusée dans les cercles militants pro-israéliens depuis le début des années 2000, repose sur des sous-titres grossièrement manipulés. Son objet : convaincre que la Palestine n’a jamais existé et nier l’existence même du peuple palestinien.

Jusque-là rien que de très banal. Internet a toujours été, et de loin, un lieu de débats, d’information et de désinformation. Des Y. B., les réseaux sociaux en regorgent. Sa particularité est ailleurs : le 29 juillet 2025, l’entrepreneur a déposé à l’INPI (Institut national de la propriété industrielle) la marque « FREE GAZA ». Un dépôt effectué pour la classe 25, à savoir les vêtements, la maroquinerie et les sous-vêtements.

Si l’intention commerciale est manifeste, ce dépôt n’en soulève pas moins une apparente contradiction.
Trois hypothèses a priori
Le dépôt à des fins commerciales de « Free Gaza », emblème des mobilisations partout dans le monde, pose en effet question. Plus encore dans le cas présent au vu des positions du déposant.
Pour autant, si l’on devait émettre a priori quelques hypothèses sans préjuger de ses intentions, elles seraient les suivantes :
— sensible au génocide en cours à Gaza, Y. B., en rupture avec ses publications passées, souhaite soutenir les Palestiniens ;
— ce dépôt a pour objectif d’empêcher des personnes malveillantes d’utiliser le slogan au détriment des Gazaouis ;
— il s’agit plutôt d’une récupération symbolique pour priver le mouvement pro-palestinien d’un outil de communication.
En l’espèce, cette initiative n’est pas sans rappeler celle de l’agence israélienne Publiweb, qui souhaita en novembre 2023 privatiser l’usage de « Free Palestine » en l’enregistrant dans les 45 classes existantes. Cette tentative de confisquer l’usage libre et militant de cet autre slogan a sans surprise été rejetée par l’INPI.
Lire – « Rejet total » : le slogan Free Palestine n’appartiendra pas à une société israélienne
S’il devait y avoir également rejet pour le dépôt de « Free Gaza », il surviendrait au plus tard à la fin de l’année. « La procédure d’examen est en moyenne de cinq mois, dont deux ouverts à une phase d’opposition », nous confie l’INPI. Et de préciser que dans le cas d’un rejet, « cela peut intervenir avant, c’est-à-dire dès la phase d’examen ».
Selon l’institut, lors de l’évaluation d’une demande, on « tient compte de plusieurs éléments liés au dépôt (sa dénomination, les classes de produits demandées, etc.) mais aussi du contexte (l’histoire du pays, les évolutions sociologiques, débats médiatiques principalement) ».
« Je fais ce que je veux »
Contacté par Al-Kanz, Y. B. indique d’abord que sa démarche est purement commerciale. « C’est une question de business », affirme-t-il, en adoptant une position en apparence neutre et non partisane : « Je suis commerçant. Ce qui se passe là-bas ne me concerne pas. Je ne suis ni pro-israélien ni pro-palestinien. Là-bas, il se passe des choses qui ne devraient pas arriver, d’un côté comme de l’autre. »
Interpellé ensuite sur la contradiction entre son argument commercial et ses positions pro-israéliennes et anti-Palestine, l’intéressé tranche : « Je fais ce que je veux. »
Lorsque enfin est évoquée la publication relative à Yasser Arafat, le ton change davantage. Y. B. s’esclaffe, conteste qu’il s’agisse d’une fake news, puis enchaine : le mot « Palestine », affirme-t-il, viendrait des Romains « en référence aux Philistins, qui ont toujours dénigré Israël ».
Un propos qui reprend l’un des éléments de langage récurrents des milieux pro-israéliens, visant à nier la réalité historique et l’existence de la Palestine, et, plus largement, à délégitimer toute revendication nationale palestinienne.
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