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G20 : la schizophrénie de la France à l’égard de l’islam joue contre elle

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G20 YEA Turkey

Co-fondateur de la société 570 easi*, Anass Patel fait partie de la délégation française (35 jeunes dirigeants, tous secteurs de l’économie confondus), invitée au sommet du G20 qui se tient à Istanbul, en Turquie, du 7 au 9 septembre. A cette occasion, 400 entrepreneurs, âgés de 18 à 45 ans, se rencontreront dans un G20 des jeunes entrepreneurs pour in fine proposer aux chefs d’Etat une série de recommandations visant à développer la culture d’entreprise à travers le monde.
Fort d’une expérience concluante, Anass Patel revient pour nous sur le rôle et les vertus de la finance islamique dans l’élaboration d’une économie plus juste, entre éthique et innovation. Interview.

Al-Kanz : Votre société, 570 EASI, a été désignée Jeune entreprise innovante (JEI) en 2013. Selon quels critères l’Etat accorde-t-il ce statut ?


Anass Patel : Ce statut est réservé aux entreprises qui ont vocation à faire de la recherche et développement (R&D), et de façon générale, à s’appuyer sur des capacités d’innovation pour se développer.
Les critères sont très spécifiques, outre le fait d’être une jeune (moins de 8 ans) et petite entreprise, au sens PME et détenue au moins à 50 % au moins par des personnes physiques, il faut s’engager à consacrer plus de 15 % de ses dépenses en R&D. « Les travaux doivent reposer sur une technicité qui se démarque du savoir-faire commun de la profession »).

Al-Kanz : En quoi 570 remplit ses critères ? Que faites-vous de concret pour mériter ce statut ?


Anass Patel : Concrètement, toute notre organisation est tournée sur l’innovation :
– en amont, dans la conception de solutions nouvelles et innovantes en France,
– en aval, dans la distribution du produit accessible à tous en ligne avec des outils et des services personnalisés.
Notre mission consiste à faciliter l’accès aux finances éthiques et surtout de permettre une accession participative à la propriété. En pratique, outre le personnel chargé du support clients et administratif, notre équipe compte deux chercheurs doctorants qui travaillent à la conception des produits innovants et deux techniciens qui se consacrent à leur mise sur le marché.

jeune entreprise innovante
Quelques avantages du statut de – JEI


Al-Kanz : Si une entreprise comme 570, dont le coeur de métier est la finance islamique, obtient ce statut reconnu par les autorités françaises, c’est bien que la FI n’est pas si malaimée en France, non ?

Anass Patel : En réalité, nous avons vite compris, depuis le départ de Christine Lagarde en 2010, qu’il était du ressort des acteurs de terrain de faire bouger les lignes avec des initiatives concrètes et visibles. Cette première conviction que l’entrepreneuriat était la solution s’est renforcée par une deuxième conviction, à savoir que les banques françaises ou étrangères ne pouvaient adresser en direct ce marché ; marché qu’elles connaissent mal et pour lequel elles disposent de peu d’outils alternatifs avec des canaux de distribution inadaptés.
Nous avons fait le choix, avec Amine Naït-Daoud, co-fondateur de notre société 570, de prendre un risque considérable en renonçant au salariat – tout son confort, sa sécurité… et l’absence de rémunération — pour nous lancer dans l’aventure. L’avenir nous dira si d’abord notre idée de développer une approche autochtone, donc franco-française, était la bonne, si ensuite notre démarche EASI était pertinente et si enfin notre politique d’investissement dans l’innovation sera bénéfique sur le long terme.

« Après cinq ans d’activité, 570 EASI compte à son actif plusieurs centaines d’opérations de financement immobilier, conforme à l’éthique musulmane pour un montant global de quelque 50 millions d’euros.

Al-Kanz : Autre signe : vous faites partie de la délégation des 35 entrepreneurs qui représentent la France à Istanbul. La Turquie compte du reste y promouvoir la finance islamique comme facteur de progrès mondial. Peut-on dire que tout est, théoriquement, réuni pour que la France tire son épingle du jeu dans ce domaine ? Quel rôle peuvent jouer des entrepreneurs français musulmans ? 

Anass Patel :
La finance dite « islamique » n’est autre qu’une finance participative, dont les règles du jeu s’inspirent de l’éthique musulmane. Les textes sacrés ne font pas référence spécifiquement à une « finance islamique ». En revanche, ils promeuvent l’échange sous des différentes formes et selon des principes de justice et d’équité.
 Longtemps taboue, cette finance a démontré ses vertus de résilience et de stabilité lors de la crise de 2008 face à la finance spéculative ultralibérale. D’où la volonté de la Turquie de l’inscrire au à l’agenda du G20 comme solution pour une économie plus inclusive.
J’aurai effectivement l’honneur de défendre un certain nombre de propositions en ce sens et de représenter les couleurs de la France. Je crois sincèrement que notre modeste expérience, en un pays non musulman et face à des contraintes aussi bien réglementaires que psychologiques, peut profiter à tous. Nous voulons partager un certain nombre de bonnes pratiques et d’idées qui ont fait leurs preuves, pour le bénéfice de toutes et tous.

g20 yea turkey
©Tsigos

Al-Kanz : Finalement, le rapport de la France à la finance islamique peut se résumer ainsi : y a plus qu’à !

Anass Patel :
La France reste à l’écart d’un marché dont la croissance est depuis plusieurs années à deux chiffres, laissant le leadership à la Malaisie pour l’Asie et Dubaï pour le Moyen-Orient. Même en Europe, elle se fait largement distancer par Londres sur la banque de gros, le Luxembourg pour la gestion de patrimoine et plus récemment par l’Allemagne pour la banque des particuliers avec la naissance de Kuveyt Turc, première banque spécialisée en finance islamique.
La relation schizophrène de la France à l’égard de l’islam joue contre elle, puisque notre pays n’attire pas les poids lourds du secteur et plus généralement les acteurs internationaux en finance islamique. Si l’Allemagne réussit à faire de l’immigration turque une force, il semble que la France préfère tourner le dos à la composante musulmane de sa population, atout qui lui octroie un avantage concurrentiel aussi puissant qu’insoupçonné… mais délaissé.

J’ai néanmoins la conviction que les nouvelles générations d’entrepreneurs font fi de cette idéologie qui sclérose aujourd’hui notre pays. Plus pragmatiques, elles ancrent leurs actions dans le quotidien et s’intéressent d’avantage à ce qui fait concrètement avancer la société. La dynamique de l’économie collaborative et de la finance participative à travers le crowdfunding en sont les témoins les plus visibles. Un nouveau pacte social est en marche. Il aura comme socle des valeurs éthiques universelles et des principes de justice pour tous, les mêmes qui fondent l’enseignement islamique. 


* La société 570 EASI est partenaire exclusif d’Al-Kanz. Lire : Finance islamique : partenariat exclusif entre 570 easi et Al-Kanz

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2 Commentaires

  1. Salam alikoum,

    Je voulais juste savoir si Al Kanz compte faire un article sur la situation de nos frères Syriens et Irakiens qui arrivent en France et savoir ce que pourrions faire pour les aider ?
    Je suis malade de voir nos frères et sœurs dans cette situation et j’aimerais tellement faire quelque chose que je ne sais pas vers qui ou quoi me tourner.
    Merci à toutes et à tous d’avance.
    Barakat Allahou fikoum.
    Djamila

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