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Là où les medias français n’étaient pas cette semaine

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Mercredi 30 juin, nous publiions le discours de Marwan Muhammad tenu devant un parterre d’officiels, à Astana, au Kazakhstan, lors d’une conférence de l’OSCE consacrée à la lutte contre le racisme. Rentré, Marwan Muhammad nous livre les conclusions auxquelles a abouti cette conférence.


Petits Trotteurs

Si on n’est pas trop fan de football et qu’on n’attend pas grand-chose de l’affaire Woerth-Bettencourt dans une société où la morale et l’intégrité sont foulées au pied, on sera tenté de croire que le monde s’est arrêté. Les médias français n’ont pas l’air ces derniers temps de vraiment s’intéresser à autre chose. On pourrait croire qu’une conférence internationale de l’OSCE, réunissant 56 états et 120 ONG autour de la lutte contre l’intolérance et la discrimination aurait pu être d’un certain intérêt pour les médias d’un pays qui, comme la France, prétend incarner une certaine idée des droits de l’homme. Apparemment non, si l’on se fie aux journalistes français présents à la conférence annuelle de l’OSCE qui a lieu du 28 au 30 juin à Astana (Kazakhstan). Leur compte, très précisément : zéro.

Ce n’est pas faute d’avoir cherché. Ils n’étaient ni dans la salle de presse aux cotés de leurs collègues européens, ni au buffet à volonté tenu au sous-sol, pas même au stand de distribution de pin’s et d’accessoires gratuits. J’ai essayé de trouver quelques excuses possibles à une telle absence, que j’offre amicalement à notre excellente presse nationale :
– On savait pas. Bah oui, le quai d’Orsay n’a pas communiqué dessus. Et comme on cherche pas si on nous dit pas. Alors on y est pas allé.
– Y avait plus de vols pour Astana. J’ai bien cherché, mais le seul truc que j’ai trouvé, c’est par Prague, puis Almaty avant d’arriver finalement à Astana après trente-six heures de vol. Tu comprends trente-six heures, c’est pas possible…
– J’avais une invit’ pour regarder le foot au Ritz avec Rama Yade et j’ai trouvé personne à qui l’offrir. Ça se fait pas de refuser les invitations sur papier en-tête « République française ». C’est pas très important cette conférence. Nous nous préférons nous occuper de Paul le poulpe, une espèce de nouveau prophète qui ne se trompe apparemment jamais. Peut-être qu’il pourra prédire pour nous le prochain scoop…

Ne me remerciez pas. On tient vraiment à vous, on ne voudrait pas que vous soyez virés et remplacés par des pires. Et puis, il faut le reconnaître, face à la déprogrammation de toutes mes émissions TV préférées, scanner vos sites Web et lires vos œuvres est une délectable forme de divertissement. Mais je m’égare. La conférence, donc.

Si on vous pose la question, voici un résumé de ce qui s’y est dit et fait :

– Le 28 juin, 120 ONG et acteurs de la société civile se sont réunis pour élaborer des recommandations à soumettre aux 56 états membres de l’OSCE sur les thèmes principaux de la conférence : la lutte contre l’islamophobie, contre l’antisémitisme, contre la violence à l’égard des Roms et les discriminations dues au sexe ou au handicap.
– Le 29/30 juin, les recommandations ont été faites en séances plénières aux délégations des états membres qui sont invités à les mettre en œuvre en prévision des prochaines assemblées. Quelques organisations sionistes ont tenté de faire pression pour inclure une recommandation qui considèrerait toute critique d’Israël comme assimilable à de l’antisémitisme. La commission des ONG ne s’est pas laissé influencer et à clairement séparé la critique politique de l’Etat sioniste des atteintes antisémites dont sont victimes des membres de la communauté juive.

La France a été marginalisée devant les autres pays membres par son déni quant à l’islamophobie grandissante au sein de ses frontières. Une attitude dénoncée par plusieurs délégations, dont la représentante américaine chargée de la lutte contre l’antisémitisme, qui note que c’est parfois ceux qui en parlent le plus qui en font le moins en matière de droits de l’Hhomme. L’ambassadeur des droits de l’homme envoyé par le quai d’Orsay, François Zimeray, a ainsi prononcé, pendant l’une des séances plénières spécifiquement consacrée à l’islamophobie, un discours totalement hors-sujet dénonçant l’antisémitisme et l’homophobie, provoquant l’embarras d’une partie de l’assemblée. Il a quitté la conférence sitôt son dernier mot prononcé, après avoir commencé son allocution par : « Il est très important pour la France d’être là ».

La situation des Roms est plus qu’alarmante et souffre d’un déficit d’image et de représentation dans les instances internationales. Une stratégie à l’échelle européenne doit être pensée pour contourner les intérêts individuels des pays qui, pour l’instant, pratiquent une politique de l’autruche en rendant difficile la sédentarisation des Roms et en les incitant à se déplacer de ville en ville.

La lutte contre l’islamophobie a été mise au premier ordre comme un défi à relever conjointement. Les dérives inquiétantes auxquelles nous assistons en Europe de l’Ouest ont attiré toute l’attention de l’assemblée : le premier assassinat islamophobe, dont a été victime Marwa El Sherbini en Allemagne, le vote contre les minarets en Suisse, le quasi-triplement de la représentation islamophobe au parlement néerlandais, l’ampleur que prend l’English Defense League au Royaume-Uni et les débats chroniques visant, indirectement ou non, les musulmans de France (voile intégral, polygamie, Ilham Moussaid, etc.) et leurs instrumentalisation à des fins électorales.

Plusieurs associations de lutte contre les discriminations et violences à l’encontre des musulmans, dont le CCIF et le COJEP pour la France, ont pu ainsi alerter les instances internationales sur une situation de plus en plus grave, ce dont les autorités nationales peinent à prendre la mesure. Dans ce sens, quelques recommandations ont été adressées aux Etats par le conseil des 120 ONG réunies lors de la réunion de la société civile, dont les plus emblématiques sont les suivantes (traduction de la section du rapport final de la conférence OSCE qui traite des mesures de lutte contre l’islamophobie) :

– condamner toutes les formes d’intolérance et de discrimination à l’égard des musulmans et prendre des mesures pour lutter contre l’islamophobie et les stéréotypes.
– garantir le droit des musulmans de pratiquer leur religion et de l’afficher librement, sans discrimination, en accord avec les standards internationaux des droits de l’homme. Cela inclut le droit de construire des mosquées et de s’habiller comme ils le souhaitent tant que leurs décisions sont prises librement.
– respecter le droit international en matière de lutte contre le terrorisme et prendre les mesures nécessaires pour éviter les discriminations que cette lutte occasionne, notamment le profilage racial et religieux.
– adapter la législation pour prendre en compte les agressions et les crimes commis contre des musulmans du fait de leur appartenance religieuse.
– collecter des données publiques sur les crimes et violences à l’égard des musulmans. Ces données doivent être compilées avec un souci scrupuleux d’exactitude, de méthodologie et de transparence.
– faire un effort d’éducation de la société civile autour de l’islam et des musulmans pour réduire l’ignorance qui renforce la crainte et l’incompréhension. Ces initiatives doivent donner la parole à des femmes musulmanes, sous représentées aujourd’hui dans l’analyse de questions qui les concernent.
– adopter une définition inclusive de l’identité nationale, plus en ligne avec la réalité et la diversité du peuple européen. Reconnaître et diffuser l’héritage (passé et présent) que les musulmans laissent au monde et au pays où ils vivent en particulier.
– développer des programmes éducatifs de lutte contre l’intolérance et la discrimination à l’égard des musulmans et veiller à ce que les livres scolaires n’incluent pas de préjugés islamophobes.
– adopter une décision interministérielle des pays de l’OSCE pour lutter contre l’intolérance et la discrimination à l’encontre des musulmans à un niveau national, régional et international.
– utiliser le terme « islamophobie » pour désigner une forme de racisme et de xénophobie à l’égard des musulmans du fait de leur appartenance religieuse.

Alors je sais bien que défendre les musulmans ne constitue pas une cause nationale en France et qu’il fait bon vendre du papier en faisant peur à la ménagère bien-pensante en lui montrant à quel point « Ouh ça fait peur ces zéstrémistes musulmans », mais peut-être qu’à un moment donné il va falloir se regarder dans la glace et voir que la chemise de tolérance et de respect des droits de l’homme que nous arborons pour nous rassurer, fut-elle de bonne facture, n’est plus si blanche.

A bon entendeur…

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