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Marine Le Pen s’en prend au halal, mais craint le casher

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L’offensive de Marine Le Pen contre le halal intervient à un moment où la campagne électorale de celle qui rêve de devenir présidente de la République s’essouffle. Contrairement à ce qu’elle affirme, il ne s’agit pour elle ni de permettre une plus grande transparence sur le marché de la viande, ni de venir au secours des consommateurs floués par l’opacité réelle, voulue et entretenue, non pas par les religieux, mais par les industriels, ni même de lutter contre la souffrance animale. Madame Le Pen n’en veut pas à l’abattage rituel à proprement parler, mais bien au halal et évidemment aux musulmans.

Du Bardot réchauffé, mais dépassé

Pendant des années, les associations animalistes ont laissé Brigitte Bardot occuper l’espace médiatique jusqu’à constater que les diatribes répétées de l’ancienne égérie du cinéma français nuisaient à leur cause. La véhémence des propos, leur caractère controversé, sanctionné du reste par la justice française (voir Étourdissement préalable : Brigitte Bardot condamnée à 15 000 euros d’amende), mais aussi l’étrange sélectivité de ses attaques ruinaient tout le travail réalisé en amont : Brigitte Bardot, comme Marine Le Pen aujourd’hui, s’en prenait systématiquement et uniquement non pas à l’abattage rituel, mais à l’abattage halal, épargnant toujours avec soin l’abattage casher.

Cette posture n’étant plus tenable, le groupement d’associations animalistes, avec en tête l’OABA (oeuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs), ont convaincu la fondation Bardot de ne plus tirer à boulets rouges sur le halal tout en faisant silence sur le casher. D’où le revirement récent dans la communication tant de Brigitte Bardot que des associations animalistes : il fallait dès lors évoquer l’abattage rituel, halal et casher, et non plus seulement l’abattage halal. Ce qui explique la mention explicite sur l’une des affiches de la vaste campagne d’affichage anti-abattage rituel de la fin 2010.

Les affiches retoquées par l’ARPP
Brigitte Bardot et ses amis affichent leur propagande

Précisons que cette affiche a été retoquée par l’ARPP (autorité de régulation professionnelle de la publicité) qui a interdit aux animalistes de la placarder dans les rues. Selon nos informations, la mention « casher » en est la principale raison ; ce que Stéphane Martin, directeur général de l’ARPP, a néanmoins démenti, suite à la publication d’un de nos articles.

Le casher plus problématique que le halal

Or l’abattage casher, au fond, ne diffère en rien de l’abattage halal. Il est même plus problématique, comme le révélait en 2003 une note de la direction générale de l’alimentation, dans laquelle on peut lire ce qui suit :

En abattage casher, il est à signaler que lors des égorgements des animaux, les sacrificateurs n’iraient pas jusqu’au bout de la technique (exemple : une carotide sectionnée) pour ne pas laisser de trace sur les os des animaux qui entraîne un retrait du circuit casher. Ces pratiques peu ou mal maitrisée peuvent être la cause de souffrances inutiles pour l’animal.

De même, le déclassement de la viande casher, redirigée dans la filière classique sans que cela soit in fine indiqué aux consommateurs, fait par définition partie de l’abattage casher : les juifs ne consomment pas les parties arrière de la carcasse d’une bête, car elles leur sont impropres à la consommation. Dans le cas du halal, les morceaux de viande sont déclassées pour des raisons de rentabilité économique. Elles n’en demeurent pas moins halal. Chez les juifs, les parties déclassées ne sont pas casher et ne peuvent en aucune manière être vendues à des bouchers juifs. Dans la filière casher, le déclassement est une question de survie économique, dans la filière halal, un confort.

Cette réalité incontestable, ces faits irréfragables que Marine Le Pen ne peut ignorer, puisqu’elle affirme avoir été approchée par Brigitte Bardot, spécialiste de la question, sont particulièrement gênants. Il ne faut les évoquer. Les opposer à Madame Le Pen abîmerait sa croisade anti-halal et l’obligerait à, non plus s’en prendre uniquement à la viande halal, mais à s’indigner bien plus encore du cas de la viande casher. Impossible, car 1) la polémique serait dénaturée, les musulmans ne seraient plus cette cible idéale, 2) s’en prendre aux juifs comme elle s’en prend aux musulmans serait suicidaire. Médiatiquement et politiquement. D’autant que le CRIF s’inquiète particulièrement depuis 2010 des menaces sur l’abattage casher (voir Abattage casher : le CRIF appelle au lobbying).

La plainte du FN, une vaste plaisanterie

La plainte qui aurait été déposée ce matin par le Front national, contre on se demande bien quoi et qui, est une farce, un artifice électoraliste pour occuper la scène médiatique et renverser les sondages aujourd’hui défavorables. L’abattage rituel n’est pas plus cruel que l’abattage non rituel. Ce serait même le contraire selon certains scientifiques, comme le rappelait un boucher de la région parisienne Yves-Marie Le Bourdonnec sur le plateau du Grand Journal (Canal+) et dans l’émission Des Clics et des Claques (Europe 1) ou encore le scientifique Joe Regenstein : Joe Regenstein : « l’abattage rituel n’est pas plus cruel que l’abattage non rituel ».

Plus généralement, la diatribe de Marine Le Pen est d’une piquante inconsistance. La présidente du Front national a dû changer plusieurs fois de version depuis sa première sortie la semaine dernière, balbutiant au micro de la journaliste Ruth Elkrief des réponses bricolées par son équipe de campagne, qui semble maîtriser Google, et allant jusqu’à se parjurer en évoquant l’Europe qui selon elle serait contre l’abattage rituel (sic). Cette fois, les médias ne se sont pas laissé prendre, même si une certaine complaisance empêche cet indispensable fact-checking qui serait fatal à Marine Le Pen.

Au-delà de toute cette polémique et ses petits calculs politiciens, il importe que les juifs et les musulmans fassent oeuvre de pédagogie et expliquent en quoi l’abattage rituel, tant halal que casher, ne nuit ni aux consommateurs non musulmans et non juifs, ni aux animaux. La viande non casher et non halal ne naît pas dans les fleurs ni dans les choux, mais provient de la même industrie qui par sa nature-même accroît la souffrance animale. Aidez les animaux, ce n’est pas s’en prendre aux musulmans et aux juifs, mais c’est bien repenser tout le secteur agro-alimentaire.

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28 Commentaires

  1. salam alaykoum,

    Personnellement, je serais d’avis de soutenir cette « polémique ». En effet, les musulmans sont les plus en droit de savoir si la viande qu’ils achètent est halal ou non.
    D’autre part, il serait intéressant de voir jusqu’où les uns et les autres parmi les politiques sont capables d’aller sur un terrain aussi glissant : la halal non; mais le casher pourquoi pas?!!

  2. Excellente intervention, j’avais moi même vu que Marine Lepen évitait soigneusement le « Casher » lors de sa récente itw sur BFM. C’était assez drôle et pitoyable de voir ça, comme si parler de Casher allait lui brûler les lèvres…

  3. Manifestement, cela ne vous dérange pas d’imposer un rituel religieux aux autres. Il s’agit d’un manque de respect d’autrui et cela ne vous honore pas.
    A umaisha: pourquoi les musulmans sont-ils plus en droit de connaître que les autres le mode d’abattage? Tous les citoyens sont égaux devant la loi.
    Le mieux serait donc d’imposer un étiquetage des viandes mentionnant systématiquement le mode d’abattage. Chacun pourrait ainsi se déterminer librement, en toute liberté et transparence. Les musulmans auraient ainsi la possibilité de choisir une viande certifiée halal (sans être trompés comme c’est encore le cas), les juifs, une viande casher, et ceux qui pour une raison ou pour une autre ne veulent pas être soumis à un rituel religieux (ce qui est qd même le minimum dans une société laïque), une viande issue d’un animal abattu selon les normes de droit commun.
    Mais qu’on rentabilise une filière sur le dos du consommateur, en taisant une caractéristique dont on sait qu’elle peut le faire fuir, ce n’est pas très honnête. Chacun a le droit de vivre selon les rites qui lui sont chers. Mais il doit en assumer seul le surcoût éventuel.
    Bien à vous;

    • Salam
      J’aimerai savoir une petit chose, depuis quand tu t’intéresse à la laïcité ???? Depuis quand tu connais ce MOT « laïcité »? Et pourquoi chaque fois qu’il y a un débat sur la LAICITE, les mots » islam », « hallal »,  » musulman » , « voile » y sont associés ??
      Et pour ta gouverne, il est plus RENTABLE pour les industriels (laïques) de faire du hallal car l’étourdissement des bêtes leurs faisaient perdre du temps sur les chaines d’abattages.
      Renseigne toi bien sur le sujet, écoute plusieurs médias si tu veux avoir une réel opinion sur un sujet.

      Ps: dsl pour les fautes d’orthographes

      • Pourquoi être contre l’information du consommateur pour que chacun puisse choisir ? L’étiquetage mentionnant le mode d’abattage réglerait ce problème.

        • Mais les Musulmans ne demandent que ça, comprenez-le bien!!!

          Si vous aviez parcouru un peu cet excellent site, vous auriez peut-être compris que la grosse majorité de ce qui est étiqueté Halal ne l’est pas et non pas l’inverse, que la marché du Halal n’est pas sous le contrôle des Musulmans et que plusieurs associations de consommateurs musulmanes militent depuis plusieurs années pour cette saine transparence!

          Si vous aviez compris tout ceci, vous auriez réalisé à quel point cette polémique est Kafkaïenne et frustrante pour les consommateurs Musulmans qui passent, par un fabuleux retournement rhétoriques, de victimes à des bourreaux!

    • Pouvez-vous SVP développer un peu plus ce que c’est « une viande issue d’un animal abattu selon les normes de droit commun » ? ….

  4. Salam alaykoum,

    Alors pour qu’une viande soit halal, il suffirait simplement de trancher la gorge de la bête et le tour est joué. Même un non musulman pourrait donc faire du halal ?

  5. Omar,
    Je ne comprends pas votre commentaire.

    Asime,
    Ce sont les industriels qui grugent les consommateurs non musulmans et non les musulmans eux-mêmes qui n’ont quasi aucune prise sur le marché du halal.
    S’agissant de l’étiquetage, c’est moi qui en 2009 ai mis les pieds dans le plat à l’occasion d’une interview qui a abouti à un article dans Le Figaro. Je suis pour la transparence totale afin que chacun choisisse en connaissance de cause.

    • Je n’ai pas dit que les musulmans grugeaient. Je crois même qu’ils sont parfois trompés eux aussi par certains industriels sur la manière dont l’animal est abattu. Je m’insurge simplement contre le ton de l’article qui refuse de considérer les arguments de ceux qui sont favorables à un étiquetage.
      « Dans la filière casher, le déclassement est une question de survie économique, dans la filière halal, un confort. » Ok pour le déclassement, mais que cela soit annoncé sur l’étiquette. Le consommateur n’a pas, à son insu, à contribuer à la rentabilité d’une filière d’abattage rituel (casher ou halal). Que certains aient des exigences religieuses, c’est bien normal, mais ils en assument le coût.

  6. bien dit Sarrasin! Arrêtons de faire souffrir tout ces animaux pour notre petit plaisir personnel. Finalement, le problème ce n’est pas le Halal ou le Casher, le problème c’est..la viande.

  7. Sallam

    Excellent article 😉

    J’adore la fin de l’article.

    Il faudra réfléchir à une étiquetage -> mais des nouvelles contraintes s’ajouteront.

    Notamment :
    – les chaines d’abattages
    – les soucis de la viande déclassé,
    – l’ajout d’une certification pour la viande déjà etiquetée

    Mais au moins le consommateur est respecté.

    Wa Sallam

  8. Très bon article mashaaLlah.

    Par contre, je n’ai pas compris comment la viande halal peut être déclassée pour des raisons économiques, pourriez-vous en dire plus ? JazaakAllah khayran.

    • Salam alaykoum,

      ce que j’ai cru comprendre sur le déclassement Halal pour raisons économiques c’est que les morceaux déclassés le sont car ils sont plus chers tout simplement et donc ils risquent d’être invendus si jamais ils étaient destinés à une population musulmane (souvent pauvre).

      Wa allahou a3lam.

  9. Merci pour cet article bien écrit et qui offre un regard différent. Merci d’être une voix différente de celles que nous entendons continuellement dans les médias et qui gâchent l’information (je parle du matraquage permanent des musulmans et dont personne n’est dupe).

  10. assalamou ‘alaykoum,

    Je l’attendais ce billet du frère Fatih, qu’Allah le récompense.

    J’ai lu l’article sur Yahoo concernant la plainte de Marine LP sur le halal. Je me suis dit, là on touche le fond dans cette campagne présidentielle ! Sans parler des commentaires haineux abondant dans le sens de l’islamisation de la France (sic).

    Faudrait que quelqu’un explique aux facho ou faire un dessin à Marine LP que dans le 9-3 et en Ile-de-France les parents d’enfants musulmans (soucieux de consommer que du halal) ne laissent pas leur enfants manger à la cantine.

  11. salam aleykum, MLP à retournée sa veste!
    Pas bête elle a remarquée que les gens s’en prenaient toujours à l’islam et donc elle a arrêté de s’en prendre à la communauté juive, elle s’est même rapprochée d’eux et au final, si vous écoutez bien ses derniers meeting, on s’en prend plein la gueule, à croire que nous sommes la seule communauté à problèmes…

  12. Mais en y reflechissant bien, croyez vous vraiment que la viande halal est halal? Pensez vous que les conditions de vie des animaux sont « halals »? Les volailles elevées en baterie par ex? Les animaux transportés comme des marchandises, des animaux frappés, vois maltraités….Même si ils sont egorgés face à la mecque au nom d’ Allah swt pensez vous vraiment que cette viande est halal?
    Moi je me pose souvent la question, surtout quand on sait quelle importance accorde notre religion au bon traitement de l’animal avant sa mort…..Je pense que l’xigence du consommateur musulman devrait commencer bien avant la façon de tuer…..Enfin c’est mon avis…

    • La notion de Halal n’intervient que lors de l’abattage, ce que subit l’animal avant relève de la responsabilité de l’éleveur. s’il est musulman il respectera l’animal comme recommandé dans notre religion, s’il ne l’ai pas, il sera responsable devant dieu et il répondra des ses actes.. c’est mon avis perso.

      • Baraka allahou fik, c’est ce que j’allais dire : la licité d’une viande et le fait qu’un animal eut été bien traité sont bien deux problématiques distinctes.
        La maltraitance d’une bête est certes interdite mais du point de vue du fiqh islamique, elle ne rend pas pour autant sa viande illicite.

      • oui on peut rester dans la lettre. Mais l’esprit de cette règle quand même à l’époque du prophète était un grand progrès en prônant le respect de l’animal.
        on peut rester dans cette dynamique et, en tant que consommateur, être plus vigilant à la qualité de vie de ces animaux. on sait bien qu’il s’agit de la responsabilité de l’éleveur. Mais rien n’empêche qu’en tant que consommateur on soit exigeant la-dessus, si on a un impact dessus.
        puis cela va dans l’intérêt d’une traçabilité et d’une transparence de la viande halal, on ne peut pas rester ignorant sur les conditions de vie de ces bêtes tout comme sur le mode d’abattage, C’est un ensemble.

    • J’aime beaucoup votre remarque!
      Mais les gens se laissent vite enfermer dans des discours préfabriqués, des lieux communs.
      D’ailleurs comme le disait sarassin « mangez moins de viande et cela ira mieux pour tout le monde ! » et puis notre prophète ne mangeait pas autant qu’on le fait à notre époque.
      On cherche à revendiquer nos droits alors qu’on ne respecte pas assez souvent ceux de notre environnement.
      Toutefois, dans le contexte islamophobe actuel, comme mes compatriotes j’en ai raz-le-bol d’être assimilé à une barbare sanguinaire et arriérée parce que je suis musulmane.

  13. J’ai du mal à comprendre le fait qu’un sujet qui relève exclusivement, selon moi, de la protection animale, puisse être associé à tout mouvement politique. Tout comme j’ai du mal à comprendre les réticences au sujet de l’étourdissement préalable, qui ne me semblent pas relever d’une opinion religieuse quelconque. J’ai posé la question à un ami musulman, qui m’a regardée comme si je descendais de la lune et qui m’a simplement répondu : « c’est has been ». Il aurait suffi que chacune des parties fasse un pas vers l’autre, pour que les textes de loi soient respectés. L’étourdissement préalable et sa législation remontent aux années 60, à l’époque, nulle allusion politique ni religieuse, juste le désir d’éviter une longue agonie de 14 minutes pour les bovins notamment. On a trop tendance à lier ce sujet à des communautés, en oubliant l’animal au passage. Je précise que je suis végétarienne, ce qui ne fait pas de moi une créature néfaste, mais simplement quelqu’un qui, par éthique et intégrité, souhaite éviter toute complicité de maltraitance. Bonne journée à tous.

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