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Début et fin de ramadan : ce qu’ont vraiment dit les savants

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Fact-checking. Vous êtes nombreux à indiquer « ne rien comprendre » au débat autour du début et de la fin de ramadan. Tout comme Dhaou Meskine le répéta la semaine dernière sur la radio BeurFM, nous pensons que tout le monde a droit au savoir.

Lire – Dhaou Meskine : « les règles de l’islam doivent être à la portée de tous »

C’est ainsi que nous essayons de rester à votre écoute pour tenter, comme beaucoup d’autres, d’apporter modestement des éléments de réponse aux questions qui parfois nécessitent éclaircissements, voire répétition.

Pour apprendre, ne jamais croire sur parole

Aujourd’hui, nous aimerions revenir sur un point crucial du débat : on entend ça et là que « des savants » ont soutenu le rejet de l’observation du croissance lunaire pour le seul calcul astronomique dans la détermination du début et de la fin de ramadan. Cette affirmation doit être vérifiée, comme à chaque fois que quelqu’un attribue un propos à un savant musulman.

Pour apprendre, il convient de ne jamais croire simplement sur parole et de toujours procéder à une vérification à la fois dans les écrits ou propos dudit savant et dans les sources mêmes citées par ce savant. C’est un point de méthodologie très important, un principe élémentaire en islam.

Avant d’en venir au sujet précis qui nous intéresse nous devons passer par une analogie pour expliquer une règle fondamentale que tout musulman à la recherche du savoir doit faire sienne. Cette règle est aussi gage d’éthique, de rigueur et de probité intellectuelle. Nous allons voir dans un premier temps comment l’islam autorise les musulmans à manger du porc. Sous conditions.

La nécessité lève l’interdit, elle n’autorise pas l’illicite

Manger du porc en islam est autorisé, mais sous certaines conditions extrêmement strictes qui obéissent au principe suivant : ad-dhadhûrât tubiHu al-mahdûrât, que l’on peut traduire par « la nécessité lève l’interdit« . Nous retrouvons ce principe dans l’adage français : « Nécessité fait loi ». Qu’est-ce à dire ?

Premier élément : la nécessité lève l’interdit, elle n’autorise pas l’illicite. La nuance est très importante, comme nous allons le voir plus bas. Si je me trouve dans une situation extrême que l’on peut juger comme étant un cas de nécessité absolue (dharûra), alors le recours à l’interdit est permis.

Deuxième élément : le recours à l’interdit doit se faire de façon proportionnée, restrictive, temporaire et adaptée. Lorsque le cas de nécessité absolue disparaît, la levée de l’interdit disparaît aussi.

Manger du porc pour sauver sa vie

Prenons un exemple très concret. Nous savons tous que le cochon est en islam totalement interdit à la consommation. Sauf dans un cas de nécessité absolue (dharûra). Imaginez une situation dans laquelle vous n’avez absolument rien à manger, que vous n’avez aucune possibilité de vous nourrir et qu’avec les heures, voire les jours qui passent, votre état se détériore au point que vous risquez à un moment donné la mort.

Soudain, vous trouvez de la viande de porc en une certaine quantité. Nécessité faisant loi, dans ce cas précis, le recours à l’interdit devient permis. Parce que vous devez préserver votre vie, vous avez le droit de manger du cochon : la nécessité (sauver sa vie) lève l’interdit (manger du porc).

Pour autant, cette nécessité n’autorise pas ni qu’après être sorti de cette situation extrême vous puissiez continuer à manger du porc, ni même que vous vous rassasiez au moment même où vous sauvez votre vie. Vous ne mangerez de cet animal interdit en temps normal qu’à hauteur de ce qui est nécessaire pour reprendre des forces et sauver votre vie.

Revenons maintenant à la problématique de la détermination du début et de la fin du ramadan.

Ne pas citer les conditions trahit les textes

Nous avons tenu à prendre l’exemple du cochon, car facilement compréhensible, pour mettre la lumière sur une pratique qui consiste à citer des principes et des règles en islam ou des avis juridiques de savants sans préciser dans le même temps les conditions d’application de ces principes, règles et avis juridiques.

Chacun peut affirmer la phrase suivante : « Manger du porc en islam est autorisé« . Stricto sensu, ce n’est pas faux de dire cela, mais c’est incomplet. Personne ne peut raisonnablement faire une telle affirmation, sans la compléter immédiatement par des explications, en l’occurrence celles que nous avons apportées quelques lignes plus haut.

Personne n’oserait affirmer publiquement que « manger du porc en islam est autorisé », sans préciser dans quelles situations cela est possible, sans préciser de quelle façon il faut procéder lors du recours à l’interdit. Le tollé serait immédiat , l’incompréhension totale, tant chez les musulmans que chez les non-musulmans.

Or, tenez-vous bien, c’est exactement ce qui se passe depuis quelques semaines avec des avis juridiques attribués à des savants de l’islam, sans que ce soit dans le même temps abordés les conditions émises par ces avis juridiques. Nous parlons évidemment de la question de la détermination du début et de la fin de ramadan, qui est autrement plus complexe que celle de l’autorisation du porc.

Respecter les savants, respecter les musulmans

Depuis quelques semaines, il est demandé aux musulmans de France de se taire et de croire sur parole ceux qui défendent l’avis marginal qui rejette la vision du croissant de lune au profit du calcul astronomique pour déterminer le début du mois de ramadan et le début du mois suivant, le mois de chawwal.

Premier point. Il n’a jamais été dans la culture de l’islam de croire sur parole qui que ce soit. Le plus noble, le plus respecté des savants a l’obligation d’avancer une argumentation basée sur les sources de l’islam. Personne, absolument personne, ne déroge à cette règle. Conséquence directe : chacun est en droit, peut et même doit exiger de ne pas se taire, de ne pas croire sur parole et d’avoir des explications in extenso. Evidemment pour peu qu’il soit en mesure de comprendre.

Second point. Celui qui avance une position nouvelle ou marginale a le devoir, ne serait-ce que par rigueur, de justifier clairement sa position. Comment ? Là encore 1) en citant des sources qui font autorité, 2) en citant complètement ces sources et non pas en glanant ça et là des positions sans indiquer dans le même temps les conditions même fondant ces positions.

Or, c’est exactement ce qui se passe depuis quelques semaines avec les savants cités pour justifier le rejet de l’observation lunaire au profit du seul calcul astronomique. On cite pêle-mêle et en boucle un savant des premiers temps de l’islam Mutarrif Ibn ‘Abdillah (qu’Allah soit satisfait de lui), Ahmed Shakir, un savant décédé en 1958, le savant Ibn Siraj, le savant As-Subki et d’autres encore.

Ce qu’ont vraiment affirmé les savants tant cités

Ces doctes de l’islam ont pour point commun d’avoir abordé, comme énormément d’autres savants depuis quinze siècles, la question du recours au calcul astronomique. Mais, pour convaincre les musulmans de France que l’avis marginal est soutenu par des sommités en islam, leurs propos ne sont pas toujours rapportés avec fidélité et l’unanimité des savants de l’islam depuis les premiers temps à nos jours est éclipsé comme s’il était anecdotique.

Lire – Ramadan : unanimité des quatre écoles sur l’obligation de l’observation lunaire

Des prédicateurs qui multiplient les vidéos sur Youtube ne cessent d’évoquer Mutarrif Ibn ‘Abdillah, Ahmed Shakir ou As-Subki de la même manière que l’on dirait « Manger du porc en islam est autorisé ». Ils ne vont jamais plus loin en explicitant les conditions émises par ces savants. Pour quelles raisons ? Dieu Seul le sait.

Surpris d’une telle présentation, qui plus est répétée à l’envi publiquement, l’imam et prédicateur Hatim Abou Abdillah s’est employé à exposer à des fins pédagogiques les propos et les avis juridiques de ces savants sur l’usage calcul astronomique. Dans la vidéo suivante, l’imam appuie toutes ses affirmations sur des arguments et des références illustres et observe ainsi la rigueur intellectuelle que l’on attend de toute personne versée dans une discipline, religieuse ou non. Nous vous recommandons de prendre des notes et, si vous maîtrisez l’arabe, d’aller vérifier par vous-mêmes.

Terminons en remerciant toutes celles et ceux qui font oeuvre de pédagogie pour tenter d’expliquer sérieusement, patiemment et rigoureusement aux musulmans la problématique autour de la détermination du début et de la fin de ramadan.

S’agissant d’Al-Kanz, répétons-le, nous restons à votre écoute pour tenter modestement d’apporter les réponses et les explications pour que petit à petit chacun puisse saisir de quoi précisément il retourne. Nous continuons pour cela de nous entretenir avec des spécialistes tant en fiqh qu’en astronomie. Des articles de vulgarisation devraient suivre dans les jours qui viennent in cha’a-Llah. Fact-checking in progress.

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12 Commentaires

  1. Salam alaykoum,

    Je tenais à vous remercier pour votre travail rigoureux d’information qui fait front à la désinformation qu’on peut constater dans d’autres médias. Malheureusement, la rigueur n’est pas le premier soucis de nos jours et c’est parfois désespérant de lire ou d’entendre certaines personnes tant le mot raisonnement est loin d’eux.

  2. Salam alaykoum,
    je vous remercie pour ces merveilleux articles, mais une question,
    comment se comporter si notre mosquée se base exclusivement sur le calcul astronomique alors que le croissant n’a pas été vu
    dois je suivre le troupeau?
    ou m’évader de leurs trucs en attendant par ex l’olmf ou l’arabie

  3. Salam alaykoum,
    Je vois beaucoup d’articles concernant la détermination du début du mois de Ramadan. Mais en dehors de ce problème, il y en a un bien plus important et qui concerne directement notre jeûne. Je vais dans 2 mosquées différentes l’heure de prière de Fajr n’est pas la même (30mn d’écart). Cela est du à l’angle 12°. Je ne vois aucun article sur ce problème. Laquelle de ces 2 mosquées est dans le vrai? C’est directement la validité du jeûne qui est mis en cause.

  4. Salam 3alaykoum,

    La question de savoir si on peut manger du porc n’est pas anecdotique : il y a de nombreux médicaments qui sont présentés dans des gélules (le plus souvent à base de gélatine porcine) ou bien contenant de l’alcool éthylique.

    Il faut donc se demander si un tel médicament est indispensable à notre santé (s’il n’existe pas dans une autre présentation) : la question n’est pas forcément facile à trancher, pour les maladies chroniques, par exemple.

  5. Salam aleykoum,

    Travail sérieux et rigoureux
    Baraka Allah ofikoum et qu’Allah augmente votre science.Amine

  6. Assalâmou ‘alaykoum
    Pourquoi toute cette polémique sur les calculs alors même qu’ils sont utilisés pour la prière qui est le gros pilier de notre religion. Pourtant les hadiths se rapportant aux horaires de la prière sont basés sur la vision du soleil (plus précisément avec l’ombre du soleil) pourtant aujourd’hui personne ne conteste ces horaires de prières basées sur les calculs.
    La vision lunaire est un moyen pas un but, un moyen de connaitre le début des mois à l’époque du prophète (SAW), l’adoration est donc le jeune de mois de ramadan pas la vision lunaire.
    A une époque certains musulmans étaient contre le fait d’imprimer le coran (il devait être écrit manuellement) contre le fait d’utiliser les robinets pour les ablutions etc. .L’islam n’interdit pas de vivre avec son temps il s’agit juste pour nous de ne pas avoir une lecture des textes trop littéralistes.

    • as-salâmu ‘alaykum

      1) Les Turcs en France jeûnent selon les calculs depuis bientôt 40 ans. Il n’y a jamais eu de polémique avec veux. Pourquoi ? Ils n’ont jamais cherché à prendre en otage la oumma.
      2) L’avis des calculs est ultra marginal et largement sujet à caution. Il suffit d’avoir étudié un peu la question pour s’en rendre compte.
      3) L’UOIF veut absolument imposer à la majorité son avis minorité. La communauté musulmane ce n’est pas tout l’UOIF et l’UOIF ce n’est pas toute la communauté.
      4) La comparaison entre horaires de prière et calcul astronomique n’est pas bonne.
      5) On ne rejette pas le calcul astronomique, mais on refuse de rejeter la sunna de la vision.

      • Cher frère,

        Il est tout à fait louable de faire de la rigueur un principe fondamental et de rappeler vos lecteurs à son adoption est tout à votre honneur.

        Selon ce même principe, par quelle méthode statistique rigoureuse vous pouvez établir que l’avis qui prône le calcul astronomique et ceux qui le suivent sont « ultra-marginaux » ?

        En admettant que l’avis lui-même puisse être marginal si l’on ne considère que le peu de Hadiths à ce sujet, quelle enquête vous permet d’affirmer qu’en France, les musulmans qui soutiennent le calcul astronomique sont ultra-marginaux ?

        Vous avez tendance à disqualifier (via twitter par ex) ceux qui soutiennent le calcul astronomique (plusieurs d’entre eux répètent qu’ils respectent l’autre avis !) en les assimilant parfois à des « pro-UOIF ». Cette animosité vis-à-vis de l’UOIF interfère souvent sur votre rigueur et nuit malheureusement à la qualité globale de vos arguments.

        Puis-je me permettre cher frère de vous rappeler Sourat5, v8 dans ce contexte ?

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