spot_img
- Publicité -spot_imgspot_img

Hijama : la pratiquer est désormais interdit à tous, même aux médecins

Dans la même catégorie

[Article publié le 10 décembre 2019. Mis à jour le 10 décembre 2023. Titre initial] Suite à l’évolution récente de la jurisprudence relative à la pratique de la hijama, Besma Maghrebi-Mansouri, avocate dont vous trouverez ci-dessous l’interview, nous envoie la mise au point suivante.
Le titre initial

« Alors qu’en 2019 après la décision rendue par le tribunal correctionnel de Bobigny, il était légitime de penser que la pratique de la hijama n’était pas totalement interdite mais réservée à certains professionnels de la santé, les choses ont énormément évolué depuis.

Une jurisprudence stable et constante vient confirmer que la hijama humide ou sèche tombe sous le coup de la qualification d’acte médical à l’égard des non-médecins, lesquels encourent des sanctions pour exercice illégal de la médecine.

Néanmoins, et contrairement à ce qu’il était légitime de penser en 2019 au regard des textes, elle ne peut plus aujourd’hui non plus être pratiquée par un médecin, une infirmière ou un kinésithérapeute.

Dans un avis du Conseil de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes en date du 18 mars 2021, il est affirmé que, la hijama étant insuffisamment éprouvée et faisant courir au patient un risque injustifié de lésion, le kinésithérapeute ne peut proposer ce procédé.

Dans un avis de la section santé publique du Conseil national de l’ordre des médecins en date du 22 juillet 2021, il est indiqué, de la ventousothérapie pratiquée par des professionnels médicaux (dont les médecins) correspondant à la fois à l’incisiothérapie (hijama humide) et la cupping therapy (hijama sèche), que « cette pratique n’est pas validée scientifiquement et ne peut être regardée comme conforme aux données acquises de la science mais qu’au regard de l’article R.4127-32 du code de la santé publique, le médecin s’engage à assurer au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science. Ainsi tout médecin contrevenant aux dispositions de cet article s’expose à des poursuites disciplinaires ».

Par conséquent, il est aisé de comprendre que, cette pratique considérée comme n’étant pas validée scientifiquement, un médecin qui la pratiquerait ou qui déléguerait à une infirmière violerait les dispositions de l’article R.4127-32 du code de la santé publique et entourerait donc des sanctions disciplinaires mais aussi des sanctions pénales pour pratique commerciale trompeuse.

En d’autres termes, aujourd’hui la pratique de la hijama sèche ou humide est donc interdite aux non-professionnels de la santé mais aussi aux professionnels de la santé.

Affaire à suivre… »

Besma Maghrebi-Mansouri, avocate à la Cour


Méthode ancestrale vieille de plusieurs millénaires, appelée aussi « cupping therapy » en anglais, « incisiothérapie » ou encore « ventousothérapie », la hijama est classée parmi les médecines dites « alternatives », au même titre que l’hypnose, l’acupuncture ou la médecine chinoise.

Très populaire chez les musulmans depuis l’époque du Prophèteﷺ, elle connaît en France un grand succès. D’où une certaine émotion sur les réseaux sociaux, après l’annonce du jugement du tribunal correctionnel de Bobigny (Seine-Saint-Denis).

Est-ce la pratique de la hijama qui est désormais totalement interdite en France ? A la fois la hijama dite « humide » (scarification et sang qui coule) et la hijama dit « sèche » (succion avec pose des ventouses sans scarification) ou seulement la première ? Ou est-ce celles et ceux qui la pratiquent qui sont visés par cette décision de justice ?

C’est pour répondre à ces questions que nous avons interrogé Me Besma Maghrebi-Mansouri, avocate dans ce procès. Interview.

Al-Kanz : Nous avons lu fin novembre sur Twitter qu’une décision de justice a été prise « contre la hijama« , ce qui n’est pas tout à fait exact. Pourriez-vous préciser ce qu’il en est ?
Me Besma Maghrebi-Mansouri :
Trois personnes ont en effet été poursuivies devant le tribunal correctionnel pour exercice illégal de la médecine en raison de la pratique régulière de la hijama sèche ou humide au sein de leur association.

Al-Kanz : De qui a émané la plainte ? Est-ce une dénonciation, une attaque en justice de l’ordre des médecins ou la plainte d’un client suite à une complication liée à une séance de hijama ?
Me Besma Maghrebi-Mansouri :
Aucun client, qui aurait subi une complication, n’a porté plainte. C’est plutôt l’agence régionale de santé et le conseil régional de l’ordre des médecins d’Ile-de-France qui ont décidé de lutter contre toutes les pratiques illégales et « faire la chasse aux hijam [personne pratiquant la hijama, NDLR] non médecins ». Le conseil de l’ordre des médecins est intervenu dans le dossier pour confirmer qu’il s’agit bien d’un exercice illégal de la médecine.
Il faut savoir que le ministère public possède la maitrise de l’action publique et dispose de l’opportunité des poursuites.

Al-Kanz : Quelles ont été très précisément les condamnations et pour quels motifs ?
Me Besma Maghrebi-Mansouri :
Mon client a été relaxé faute de preuve. Les deux autres personnes qui comparaissaient ont été respectivement condamnées à trois et à six mois de prison avec sursis.

Al-Kanz : Quelles sont concrètement les conséquences pour celles et ceux qui en France pratiquent la hijama ? En d’autres termes, qu’est-ce qui est désormais interdit ? La pratique de la hijama est-elle totalement interdite ou réservée uniquement à certains professionnels ? Dans le second cas, lesquels ?
Me Besma Maghrebi-Mansouri :
Les conséquences peuvent être graves et lourdes puisque toute infraction peut être punie jusqu’à deux ans de prison.

Le jugement ne vient pas poser un interdit, mais applique la loi. L’Etat a décidé d’envoyer un message fort. Il n’est pas possible de pratiquer la hijama sans un diplôme d’Etat de médecin, puisque, au regard du corpus juridique actuel en France, le soin, soit la recherche des endroits où poser les ventouses, relève de la compétence exclusive du médecin.

Toutefois concernant l’acte médical de scarification pour la hijama humide, le médecin peut déléguer – après diagnostic par ses soins à partir duquel il déterminera et indiquera où sur le corps les ventouses doivent être posées — à une infirmière ou un infirmier sur prescription médicale, puisqu’ils sont les seuls avec les médecins à pouvoir effectuer les scarifications.

En-dehors de ce cas précis, toutes les personnes qui pensent pouvoir exercer et qui exercent avec un diplôme obtenu dans un centre de formation encourent des sanctions graves : seuls les médecins – et donc par délégation sur ordonnance les infirmiers – peuvent pratiquer la hijama.

Al-Kanz : Le jugement fait-il une distinction entre hijama humide (scarification) et hijama sèche, incisiothérapie et ventousothérapie ?
Me Besma Maghrebi-Mansouri :
Le jugement ne fait pas de distinction entre hijama humide et sèche. L’une comme l’autre tombe sous le coup de la qualification d’acte médical. Dans les deux cas, il faut en effet établir un diagnostic qui ne relève que de la compétence du médecin.

Les trois praticiens poursuivis l’ont été très précisément pour avoir « exercé illégalement la profession de médecin, en l’espèce en pratiquant l’hijama (procédé de pose de ventouses sur le corps du patient, avec ou sans scarification) constitutif d’un acte médical ».

Al-Kanz : Vos clients comptent-ils faire appel ou doit-on considérer cette définition définitive ?
Me Besma Maghrebi-Mansouri :

Bien évidemment mon client relaxé ne compte pas faire appel et mon autre client ne souhaite pas prendre le risque d’avoir une sanction plus lourde.

- Publicité -spot_img

Plus d'articles

7 Commentaires

  1. Assalamou ‘alaykoum,

    Je pense qu’il n’y a que la hijama humide qui est interdite aux noms médecins. La hijama sèche peut être pratiqué par des para-médicaux comme les kinés, il y a des formations existantes.

  2. Je pense surtout que les musulmans devraient arrêter d’étaler leur vie sur Facebook en détaillant tout ce qu’ils font. Ils donnent le bâton pour se faire taper dessus. Les chinois pratiquent cela depuis des années et. N’Ont jamais été inquiets , parce qu’ils le pratiquent dans la discrétion. Le but est d’être soigné et pas de s’exposer vue le contexte islamophobe et la chasse aux souricières actuel

  3. Bonjour c’est aberrant de voir écrit partout que cette pratique est uniquement reservée aux médecins!! Il faut mentionner les infirmieres, elles ont le droit de le faire sous prescription médicale. Il est urgent de les mentionner si vous souhaitez avoir toujours acces à ce soin car des medecins pratiquant la hijama il y en a pas !!! Heureusement que les infirmieres sont là… parlons des ide , parlons des infirmieres pour avoir plus de poids !!! C est elles qui sauveront la hijama pas les médecins. Merci

  4. J’ai été formée en 2014 par un praticien non musulman, qui nous avait précisé que ce n’était pas autorisé de scarifier. Il nous avait dit de faire attention, parce qu’effectivement c’est un acte médical.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

- Publicité -spot_img

Derniers articles

OK, je soutiens
Non, merci