Témoignage d’entrepreneur : Suat Gurcu de Muslim Ambition

Lyonnais de naissance, Suat Gurcu a fondé Muslim Ambition, une société de conseil qui accompagne les porteurs de projets et les entrepreneurs à concrétiser et développer leur entreprise. Son dada : l’innovation et les start-up. Interview.

Al-Kanz : Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
Suat Gurcu : Diplômé en droit et en sciences politiques, je suis start-up manager, c’est-à-dire que j’accompagne les start-up dans leur développement, de l’idée à la levée de fonds.
Après plusieurs expériences dans le salariat en tant que responsable juridique qui m’ont ennuyé, absolument pas stimulé, je ne voulais plus rester assis derrière un bureau toute la journée. En parallèle, je développais Muslim Ambition sous forme associative en organisant des événements autour de l’entrepreneuriat le soir et le week-end.
En 2019, la demande en termes d’accompagnement se faisant de plus en plus forte, j’ai fait le choix de quitter mon emploi pour me lancer à mon compte.

Al-Kanz : Vos études de droit et de sciences politiques ne vous destinaient pas à l’entrepreneuriat. Qu’est-ce qui vous y a mené ?
Suat Gurcu : J’ai eu la chance de faire un master 2 en ingénierie sociale et droit du travail en 2016, soit près de deux ans après que le concept d’ubérisation de la société période s’impose dans le débat public. Dans le cadre de mes études, j’ai dû étudier en profondeur le fonctionnement de ces plateformes qui via les nouvelles technologies ont profité d’un vide juridique et modifié nos manières de consommation.

Je suis allé jusqu’à créer une microentreprise et travailler pour Uber Eat, Foodora et Deliveroo pour étudier de l’intérieur le fonctionnement de ces entreprises.
Par la suite, j’ai étudié d’autres start-up, tant la manière dont elles se sont développées et que la façon dont elles ont déployé leur solution. De plus en plus sollicité par des entrepreneurs, j’ai lancé en 2019 d’une offre d’accompagnement.

Al-Kanz : Couveuse, incubateur, pépinière ou boutique de gestion… qu’est-ce que Muslim Ambition ?
Suat Gurcu : Muslim Ambition fut d’abord un cabinet de conseil qui s’adressait, pour un prix abordable, à de jeunes entrepreneurs. Nous avons ensuite diversifié nos activités pour apporter une offre globale aux entrepreneurs en créant un réseau de freelances, puis un cercle d’investisseurs.

Al-Kanz : Muslim Ambition rime avec innovation, votre cheval de bataille ? Pourquoi ce choix, somme toute restrictif puisqu’il exclut de fait toute entreprise traditionnelle ? 
Suat Gurcu : C’est effectivement notre cheval de bataille. Avec Muslim Ambition, nous voulons promouvoir l’entrepreneuriat innovant au sein de la communauté musulmane.
Selon une étude, 85 % des emplois de 2030 n’existent pas encore ! Pourquoi ne seraient-ce pas les musulmans qui créeraient ces emplois ?
Je suis toujours déconcerté de nous voir entreprendre toujours dans les mêmes domaines. Nous pouvons avoir deux boucheries au coin de la rue, notre état d’esprit nous pousse à en ouvrir une troisième dans la même rue. Il en est de même pour les épiceries, boulangeries, restaurants.. Et de manière générale nous avons un état d’esprit qui nous pousse à réitérer des choses qui existent déjà. Pourquoi pas à notre tour (re)devenir précurseur ?

Al-Kanz : A quelle étape du projet entrepreneurial, Muslim Ambition intervient et en quoi consiste l’accompagnement proposé ?
Suat Gurcu : Il s’adresse aux entrepreneurs qui sont à la phase « idée », mais qui ne savent pas comment se lancer ou par où commencer. Il s’adresse également aux dirigeants d’entreprises qui ont besoin d’un appui pour continuer à se développer.
Nous accompagnons l’entrepreneur de l’idée à la mise du produit ou service sur le marché en passant par l’étude de marché, la stratégie marketing, le volet financier et juridique.
L’accompagnement, individuel et personnalisé, se matérialise par un nombre de séances adaptées aux besoins de l’entrepreneur, selon différentes thématiques. Nous ne faisons par le travail à la place de l’entrepreneur. Nous lui donnons la feuille de route, les outils et la stratégie à suivre, tout en restant à ses côtés.

Al-Kanz : Vous avez organisé des conférences dédiées à l’entrepreneuriat dans des… mosquées. Vous avez dû en déconcerter plus d’un, non ?
Suat Gurcu : En effet ! C’est pour moi une de mes plus belles réussites. L’objectif était double :
— aborder de nouvelles thématiques peu abordées là où se trouvent les musulmans. J’ai énormément apprécié par exemple organiser un start-up challenge dans la salle de conférence de la mosquée Eyup-Sultan à Vénissieux, près de Lyon.
— mettre en avant des mosquées dynamiques qui disposent de grandes salles de conférences et qui souhaitent faire vivre plus encore leurs locaux.
J’ai été très heureux de voir des musulmans ayant une vision plutôt austère des mosquées venir pour mes événements et être surpris positivement par la qualité des lieux d’accueil, comme à la mosquée de Décines (69).

Al-Kanz : Avant d’en venir au réseau Syla, parlez-nous de votre cercle d’investisseurs. Qui investit et combien ? Dans quels projets ou entreprises est injecté l’argent disponible ?
Suat Gurcu : Ce cercle d’investisseurs s’adresse aux cadres des deuxième et troisième générations qui ont une épargne intéressante et qui souhaitent en réinvestir une partie. Il s’adresse aussi bien aux personnes qui ont l’habitude d’investir au sein des entreprises qu’aux novices, que nous prenons le temps d’accompagner. L’investissement minimum est de 5 000 euros. Il n’y a pas de maximum.
J’ai une grille d’évaluation sur laquelle je me base pour évaluer les projets que je vais soumettre (ou non) à mes investisseurs. Les projets dans lesquels nous investissons sont innovants, à fort potentiel et également à impact positif. Les start-up proposées aux investisseurs ont déjà éprouvé leur concept et disposent de clients. Nous leur apportons les capitaux nécessaires pour accélérer leur développement.
Lancé en 2022, le cercle, qui compte plus de 150 investisseurs et des capacités de financement dépassant le million d’euros, a financé à ce jour quatre start-up.
Pour la suite, j’invite vos lecteurs à me suivre sur Linkedin, réseau social où je compte prochainement communiquer sur les start-up au sein desquelles nous investissons.

Al-Kanz : Avec le réseau Syla, vous mettez en relation des entreprises qui ont un projet à réaliser et quelque 200 freelances. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Suat Gurcu :
Dans le cadre de nos accompagnements, nous passions beaucoup de temps avec les entrepreneurs à chercher le bon prestataire qui réalisera logos et sites Internet. C’était très chronophage. D’un côté, il fallait accompagner les entrepreneurs à bien définir leurs besoins ; d’un autre, il fallait trouver les prestataires, puis vérifier leurs compétences et l’adéquation avec les projets en cours.
J’ai vu malheureusement trop d’entrepreneurs perdre beaucoup d’argent, car ils avaient mal défini leur besoin (mauvaise demande ou mauvais timing) ou alors choisi le mauvais prestataire.
J’ai donc décidé de lancer le réseau Syla pour référencer un certain nombre de freelances sélectionnés selon la règle des 3 P : prix adaptés au marché, portfolio qui garantit l’expérience, professionnalisme dans sa relation avec l’entrepreneur.
L’objectif est également de mettre en lumière des freelances musulmans très compétents dans leur domaine mais dont la prospection commerciale n’est pas le fort.

Al-Kanz : Un dernier mot pour conclure ?
Suat Gurcu : Notre devise est : « Il faut oser ou se résigner à tout .» Je veux pousser les musulmans à oser entreprendre et à sortir des sentiers battus. Je veux que les nouvelles générations prennent conscience que nos parents et nos grands-parents ont fait un travail formidable. Ils ont su répondre à nos besoins primaires. Il est temps maintenant que nous allions plus loin et qu’à notre tour nous puissions laisser quelque chose d’encore meilleur aux prochaines générations. Et pourquoi pas leur laisser des start-up innovantes qui auront su créer des solutions avec un impact positif sur l’ensemble de la société, dans le domaine médical, dans le domaine du sport, dans le domaine du recrutement, de l’énergie ? Des entreprises qui auront su créer des centaines d’emplois et qui auront comme ligne directrice la diversité comme modèle de recrutement ? Aujourd’hui les structures d’accompagnement existent, les solutions de financements halal se développement de plus en plus, l’accès à la formation et l’information est de plus en plus facile, c’est à nous de jouer.. Encore faut-il être conscient de ces enjeux et accepter de se lancer !

Visitez www.muslimambition.com
Pour en savoir plus, découvrez le portrait vidéo de Suat Gurcu par la plateforme L.E.S. Musulmans