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Ramadan dans la grande distribution : « on croit que les musulmans jeûnent le reste de l’année »

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Ramadan 2015 – 1436. A quelque deux semaines du mois de jeûne, Abderrahman Bouzid, consultant indépendant du cabinet AB Associates Conseil pour notamment le compte du groupe Casino, dont il fut le « Monsieur halal », revient sur les enjeux autour du halal et du consommateur musulman, particulièrement à l’occasion du mois de ramadan, période faste pour la grande distribution.

Al-Kanz : Comme chaque année à l’approche du mois de ramadan, la grande distribution s’intéresse aux consommateurs musulmans. Cet attrait est-il selon vous conjoncturel – en période de crise, on ne néglige rien – et donc provisoire ou bien Carrefour, Auchan, Leclerc, Casino, etc. ont-ils investi ce segment de façon durable ?

Abderrahman Bouzid : La GMS (grande et moyenne surface) est aujourd’hui face à une économie réelle quasi invisible jusque, environ, aux années 2000, mais qui est aujourd’hui pleinement visible. Cette économie est loin d’être une niche. Je dirai même qu’elle est la caverne d’Ali Baba.

Pendant longtemps, la grande distribution a été frileuse. Dans le cadre de mon activité pour le compte du groupe Casino, j’ai travaillé à bousculer le secteur, bien que l’enseigne stéphanoise soit arrivée tardivement sur ce segment. On peut citer l’exemple, en 2007, du catalogue ramadan que l’on a choisi d’intituler… « Ramadhan ».

Aujourd’hui, les clients sont là, les produits existent ou peuvent exister. Mais la nature a horreur du vide : d’autres enseignes étrangères viendront satisfaire les besoins des consommateurs musulmans, si la GMS continue de croire que ces derniers ne mangent que pendant le mois de ramadan et que le reste de l’année ils jeûnent.

Al-Kanz : Toutes les enseignes ne communiquent pas ouvertement : certaines indiquent clairement que leurs opérations commerciales sont liées au mois de ramadan. D’autres continuent à se cacher derrière un orientalisme, qui agace de plus en plus. Comment analyser ces différentes positions ?
Abderrahman Bouzid :
C’est très simple – je vais être direct : c’est au mieux par manque de courage, donc par couardise, au pire du fait de positions idéologiques à différents niveaux : soit au niveau des centrales d’achats soit au niveau des réseaux commerciaux des enseignes ou pire au niveau des dirigeants. Nous pensions pourtant que l’argent n’a ni odeur ni couleur, plus encore en temps de crise économique comme celle que nous subissons.

Je pense que le tapage médiatico-politique contre le halal, ainsi que la mobilisation des associations animalistes de ces dernières année, n’ont pas favorisé la consolidation de ce marché. Ajoutez à cela la crainte qu’ont les enseignes d’être accusées de communautarisme…

Al-Kanz : Y a-t-il aujourd’hui pour la grande distribution un « consommateur musulman » ?
Abderrahman Bouzid :
Oui, il y a un consommateur musulman, mais on préfère ne pas le reconnaître et on évite encore de communiquer franchement en sa direction comme on le fait pour les produits bio, par exemple. Toutes les enseignes savent que le consommateur musulman n’est pas une vue de l’esprit : il leur suffit de se pencher sur les cartes de fidélité qui sont de véritables révélateurs en matière de ciblage et de profilage des consommateurs et de leurs achats.

Al-Kanz : Aucune enseigne n’ignore l’ampleur du faux halal. Pourtant toutes continuent de commercialiser des produits prétendument halal particulièrement douteux.
Faut-il que l’une d’entre elles perde un procès pour qu’il y ait une véritable réaction ?
Abderrahman Bouzid :
Ce n’est, selon moi, pas la faute de la GMS. Cette faute incombe gravement et principalement aux représentants religieux de l’islam et aux « labélistes du halal » qui refusent de s’entendre une bonne fois sur un cahier des charges commun respecté, supervisé et appliqué par l’ensemble des acteurs du marché (les organismes de contrôle et de certification, les industriels, la grande distribution). C’est le cas pour le casher.

En l’état actuel, la législation ne permet pas de poursuivre aisément un fraudeur, sauf s’il y a tromperie caractérisée, par exemple vendre du porc estampillé « halal » ou une viande non conforme aux préceptes de l’islam en matière de halal (reclasser une viande non halal en viande halal). Mais faut-il encore la preuve pour cela…

Al-Kanz : Qu’est-ce qui selon vous permettrait d’assainir durablement le marché du halal, aujourd’hui gangréné par la fraude ?
Abderrahman Bouzid :

Pour ma part, je préconise que l’institution représentative de l’islam délègue à une institution tierce, qu’elle chapeauterait, la mise en place d’un cahier des charges, un guide des bonnes pratiques. Cette institution ne compterait aucun des acteurs économiques du marché du halal et elle aurait tout pouvoir pour imposer son label, dont la définition et l’établissement ne sauraient être entravés comme le fut la charte morte-née du CFCM, enterrée à l’époque par la mosquée de Paris et l’UOIF.

Lire – L’UOIF torpille la charte halal

Comme pour les autres labels (bio, commerce équitable, etc.), il faudrait aussi mettre en place une agence apte à habiliter les organismes certificateurs et veiller à l’application de la charte halal. En cas de défaillance, l’habilitation serait retirée à l’organisme certificateur. On aurait alors une sorte de « police » rattachée à l’instance nationale représentative des musulmans.

Il faut rappeler que les industriels et la grande distribution sont demandeurs d’un cadre clair et consensuel, car cela permettrait une clarification de la situation actuelle. Cette absence de charte est probablement l’une des raisons pour lesquelles le halal ne développe pas tout son potentiel en GMS.

Al-Kanz : Quel rôle peut jouer le consommateur ? Comment est-il perçu par les enseignes de la grande distribution ?
Abderrahman Bouzid :
Son rôle est principalement de faire pression à la fois auprès des commerces de proximité et de la grande distribution et à la fois auprès des instances représentatives pour leur signifier la nécessité d’une position claire et définie sur le sujet, mais aussi d’une pression constante sur les organismes de certification et de contrôle. Il faut à cet égard sortir de la surenchère « halal versus plus halal ».

Côté grande distribution, le consommateur est perçu en fonction de son panier et de son ticket moyen. Cette valeur comptable guide les stratégies de la GMS, sauf dans le cas des consommateurs musulmans : hormis quelques exceptions, ces deux indicateurs ne dépassent pas les graphiques et les tableurs. On constate sur son écran d’ordinateur que le consommateur musulman constitue un fort potentiel, mais cela s’arrête là.

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2 Commentaires

  1. Comme d’habitude les consommateurs subissent la règle des acteurs du halal est ce normal? A quand la réaction des musulmans?

  2. Assalamu arleykum travaillant dans un hypermarché je peut vous dire que s’il ne développe pas le hallal c’est que pour eux le consommateur musulman à « son boucher » et que par rapport à cela ils proposent des produits de « dépannage » ils ne voyent pas plus loin

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