CRIF : "le musulman a pris la place tenue hier par le juif"

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Ainsi le musulman a pris la place tenue hier par le juif, l’Arabe ou l’immigré dans la dialectique frontiste. Ne nous y trompons pas : ceux qui parlent de l’islamisation de la France sont guidés par la même obsession xénophobe que ceux qui dénonçaient la judaïsation de notre pays dans les années 1930. L’étranger, quel que soit son visage, reste responsable pour l’extrême droite des maux de notre société.
Le Monde, « Le discours de Mme Le Pen menace juifs et musulmans« , Richard Prasquier, président du CRIF

Tant que l’UMP singeait le FN, l’opinion publique, les médias et les politiques s’accommodaient – voire tirer partie – de l’islamophobie actuelle. Maintenant que le FN se prend pour l’UMP, l’inquiétude monte. Elle monte tant, qu’on assiste aujourd’hui à l’insoupçonnable : Richard Prasquier, président du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France), réagit et et publie une tribune dans Le Monde dans laquelle il prend la défense des musulmans. Féroce défenseur de l’Etat d’Israël, ce dernier, conforté par quelques speakers télégéniques (Finkielkraut, BHL, Glucksmann, etc.), a longtemps stigmatisé les musulmans, les accusant d’être les nouveaux antisémites, parce que pour le plus grand nombre solidaires de la Palestine. C’était là un des combats du CRIF. Rappelons, par exemple, la sortie de son ex-président, Roger Cukierman, qui déclara voilà un an que la lutte contre les musulmans passe par le ventre des femmes. Nous étions alors en pleine furie islamophobe (niqab, Quick prétendument halal). A l’époque, le CRIF, qui avait choisi de crier avec les loups, ne manqua pas de tirer à boulets rouges sur les musulmans.

Il faut se souvenir des déclarations scandaleuses et de toute la désinformation autour de l’imam du CRIF, et non de l’imam des juifs comme on essaya de la faire croire, symptôme du traitement des musulmans en France. La manipulation était flagrante, les ficelles énormes. Porter Hassan Chalghoumi, qui appelait à ne pas lapider l’image de la France (sic), devait permettre de museler toute voix discordante dans la communauté musulmane. Il faisait bon défoncer ceux que l’on disait vouloir tester la République, selon la formule consacrée de Jean-Pierre Copé, le wanabe-Nicolas.

Les médias n’étaient pas en reste. L’Express fit son beur beurre sur les musulmans profitant d’un climat putride entretenu par les autorités depuis qu’André Gérin, l’imam rouge, décida de faire la guerre à cette communauté, à qui il devait pourtant d’avoir été maintenu au pouvoir dans sa ville.

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La parole islamophobe libérée, on pouvait alors tout se permettre. Christophe, le Barbier qui n’aime pas les barbus, vidéaste amateur à l’Express, n’hésita pas à affirmer très clairement qu’il y avait une légitimité à torturer les un-peu-trop-barbus à son goût.

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Mais la communauté juive a trop de points communs avec la communauté musulmane pour laisser grandir la bête. Si taper sur les femmes entièrement voilées était possible – encore que (voir Frumka : la burqa juive) –, crier haro sur le halal se révéla, lors du passage au prétendu halal de quelques restaurants Quick, périlleux. La polémique était pour la communauté juive particulièrement délicate (voir : Quick halal : une polémique embarrassante). Tout comme d’ailleurs la question des piscines non mixtes qui est d’abord une question juive, avant d’être musulmane. Les femmes juives de Strasbourg, comme les hommes, ont obtenu d’avoir des horaires aménagés aux bains municipaux. C’était il y a quarante ans et cela dure encore aujourd’hui. Les musulmanes n’ont fait que suivre.

De même les attaques répétées contre le halal et les campagnes récentes des associations animalistes (fondation Brigitte-Bardot, OABA, etc.), qui ont compris qu’il n’était plus tenable de critiquer le halal et de se taire à propos du casher, ont fini de convaincre le CRIF qu’entretenir l’islamophobie, c’est préparer le terrain à l’antisémitisme. A l’extrême droite, on remarque déjà les premiers bruissements anti-casher. L’heure est grave pour les juifs aussi.

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Que dire encore des Loubavitch, qui sont au judaïsme ce que les salafis sont à l’islam ? Des salafistes juifs, en somme, pour parler le langage des médias, ceux-là mêmes qui reçoivent de grasses subventions publiques de la mairie de Paris (PS) sans que l’UMP n’y trouve rien à redire. Des juifs donc à qui l’on peut reprocher tout ou presque ce que l’on reproche régulièrement aux musulmans trop barbus ou pas assez rasés, au choix.

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Bref, les juifs sont autant en danger que les musulmans. M. Prasquier est pragmatique. Il l’a bien compris. Il sait que les musulmans sont les amuse-bouche du FN et de l’UMP et que l’islamophobie n’est rien d’autre qu’un antisémitisme décomplexé. Comme le toxicomane a son Subutex, l’antisémite a ses musulmans. Faute de pouvoir être ouvertement antisémite, ce dernier se shoote en bouffant du barbu et de la voilée. Jusqu’au jour où il pourra enfin avoir une vraie dose, pure, franche, ce que redoute légitimement le CRIF. D’où, depuis quelques mois, une inflexion sensible dans ses positions notamment sur la question du casher, dont la mise en danger ne préoccupait jusque-là véritablement que les juifs religieux. D’où surtout la spectaculaire tribune que signe Richard Prasquier aujourd’hui dans le Monde, dont les destinataires sont, selon le sens obvie, Marine Le Pen, mais, surtout, implicitement, Nicolas Sarkozy.